CHAPITRE 17 - Hadrian

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Je tire une énième fois sur ma latte, en toisant le corps amorphe de la jeune femme. Cela fait des heures que nous sommes enfermés ici tous les deux, et je dois dire que je me suis beaucoup amusé.

C'était un avant-goût de taille.

C'est la troisième cigarette que je fume, et je continue. J'ai besoin de nicotine lorsque j'ai passé une nuit comme celle-ci. C'est mon énergie. Le brouillard envahit peu à peu le plafond et le rend si bas que ma captive doit certainement se sentir oppressée comme dans un étau.

Si seulement elle en avait eu quelque chose à faire.

Je plane.

Et l'extase ne se laisse éteindre que lorsque j'allume ces nuées de fumée opaque qui remplissent mes poumons et les teignent d'une couleur aussi sombre que l'est mon âme. Comme ça, je suis hors du monde, hors du temps. Tout l'oxygène de mes poumons est remplacé par la drogue. Par le goudron. Par la crasse.

Mais je m'en contente très bien.

Chemise ouverte sur le fauteuil en cuir qui décore un des coins de la Dark Room, le corps encore couvert de sudation et la queue pleine d'hémoglobine, j'admire mon œuvre. La jolie Beverly est encore plus belle comme ça, maculée de sang. Elle git toujours au centre du lit, poignets et chevilles liés aux quatre coins du matelas, sans possibilité de faire le moindre geste. Ses membres sont couverts de sang eux aussi, mais elle ne doit s'en prendre qu'à elle-même. À force de tirer sur ses liens pour se libérer, elle a réussi à se blesser plus que de raison. Pendant des heures, elle a dû subir mes envies. Subir mes caprices. Subir mes démons. Elle en est ressortie détruite.

Je devrais être écœuré par cette manière d'être que je me suis forgée à travers le temps. Mais non. Je suis qui je suis. Bon nombre de femmes ont imploré ma pitié. D'autres ont pleuré toutes les larmes de leur corps en espérant m'amadouer. D'autres encore, sont allées jusqu'à me demander si j'avais un cœur.

Quelles naïves...

Si je devais le décrire, je dirais que le mien est fait de roche. Il est aussi fort que l'est mon corps. Et aussi peu sensible que l'était celui de mon père, jadis. Ma situation professionnelle m'empêche de développer l'empathie, la sympathie, ou simplement la joie de la vie en société. Mais peu importe. Je n'ai jamais aimé personne. Je ne m'en porte pas plus mal. Tout ce dont j'ai besoin se trouve ici, juste sous mes yeux. Entre ses cuisses. Cette chatte qui saigne, et pas uniquement parce que je l'ai déflorée.

— Mmh... Mhmhh... Gémit alors la jeune femme, dans un état de semi-conscience.

Je passe une main sur ma poitrine couverte de taches de sang, puis ramène la substance du bout des doigts jusqu'à ma bouche. Je me redresse et m'approche d'elle. Près d'elle, j'observe le bâillon et son collier de cuir qui couvrent sa bouche. Une femme est toujours plus belle lorsqu'elle ne peut pas l'ouvrir pour dire des âneries.

— Enfin, tu donnes signe de vie, la provoqué-je.

Elle s'affole.

Ses gémissements prennent une teinte plus dramatique et ses sourcils se froncent lorsqu'elle réalise que je m'avance encore une fois vers son corps meurtri.

— Mmh... Mhmmhhmmhhhh !

— Oh, non... Chuuuuuuuttttt... Ma chère Beverly, je ne compte pas te baiser encore une fois, voyons.

Ses yeux s'arrondissent et elle me fixe. La voir apeurée est mon plus grand plaisir, cette nuit. Il est presque quatre heures du matin, et je n'ai aucune envie de la ramener dans sa chambre.

— Mmh mmh... Pouffé-je. Je ne baise que lorsque ma victime est pleinement consciente, c'est la moindre des choses... Annoncé-je en tirant encore sur la cigarette. Si tu t'évanouis, où est l'intérêt ?

Elle évite maintenant mon regard, tournant le plus possible la tête à mon opposé, tandis qu'une larme glisse timidement sur sa joue. Le souvenir de la douleur intense qu'elle a ressentie jusqu'ici gît encore dans son âme meurtrie à la mention de nos ébats, et ce, pour longtemps.

Je l'observe plus attentivement en parcourant de la pulpe de mes doigts ce corps qui m'appartient, et je constate que la couleur de sa peau a changé par endroits : sa joue gauche est rouge comme une pivoine, tandis que ses bras présentent des marques bleutées. Sous ses menottes en cuir, sa peau est abîmée mais ça, c'est le cadet de ses soucis. Elle présente une légère blessure au-dessus du sein gauche. J'ai dû le faire lorsque j'ai placé la lame sur sa peau pendant que je la pilonnais. Mais ce qui me ravit encore plus se trouve plus bas : entre ses cuisses jonchent des traînées de sang qui provoquent une joie immense lorsque je pose les yeux dessus.

Oui, car au-delà d'être blessée, elle saigne à plusieurs endroits. Le liquide coloré qui sort de ses narines a séché et lui colle certainement à la peau, s'étendant jusqu'à sa bouche. Or, elle ne cherche pas à se lécher les lèvres pour le retirer. Les yeux rivés dans le vide intersidéral, elle attend que le temps passe et prie certainement pour que ce calvaire n'ait plus jamais lieu.

Je soupire profondément et jette le mégot dans la poubelle en métal, à l'entrée de la pièce. Puis je fais les cent pas dans la pièce, la queue encore à l'air devant la jeune femme. Si je n'ai jamais eu pour habitude de me mettre à nu devant les centaines de femmes que j'ai baisées, en revanche, leur laisser admirer ma queue ne me dérange aucunement. Ça ne me fait rien.

— Tu sais, Beverly... Commencé-je en croisant les bras. La plupart des femmes qui se sont un jour couchées sur ce lit n'avaient rien à voir avec toi.

La jeune femme ne réagit pas. C'est presque comme si son cadavre prenait toute la place dans ce lit et couvrait son corps.

— Oui, ma belle... La plupart avaient déjà connu des dizaines, peut-être des centaines d'hommes avant moi. Et j'avoue que... La satisfaction d'être le premier dépasse l'entendement.

Maintenant de dos à elle, j'imagine le dégoût de dresser sur son visage juvénile. Et je continue mon discours, sans y prêter attention :

— Et pourtant, malgré tout le désir qui m'assaillait, je suis resté doux avec toi. Mais ce ne sera pas le cas à chaque fois, la préviens-je. Je te montrerai à quel point je peux être puissant. Plus que tu ne l'imagines.

Je fais volte-face et croise son regard rempli d'horreur. Elle vient juste de réaliser que cette nuit ne sera que la première d'une longue série d'heures interminables à réaliser le moindre de mes fantasmes. À cette idée, elle semble perdre pied. Ses larmes coulent à nouveau, comme si elle n'avait pas déjà assez humidifié les oreillers depuis la veille.

— Tu sais ce dont j'aurais bien envie, là ? L'interrogé-je, bien que je sois déjà au courant qu'aucune réponse ne sortira de sa bouche, et ce, quoi que je dise.

Je la toise encore de tout son long, avec un sourire en coin. Son sang doit bouillonner de terreur dans ses veines, à l'heure qu'il est. Ses membres inférieurs se contractent, et elle force sur ses chevilles pour rapprocher ses cuisses l'une de l'autre, sans succès. Ma barrière fictive qu'elle souhaite dresser entre nous n'existe pas, et elle n'existera jamais.

Je me lèche les lèvres avec délectation en admirant sa fente encore boursouflée, puis me penche sur le bas du lit, entre ses jambes et son corps encore offerts sur un plateau d'argent. Je plante alors mes prunelles dans les siennes, et prononce la phrase ultime qui l'achèvera :

— C'est de lécher tout ce sang qui parcourt ta chatte... 

BOURREAU DES COEURS - TOME 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant