3-Lise

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    Je me réveille en sursaut, violemment. Il y a quelques secondes à peine, j'étais au milieu d'un champ de fleurs, et l'instant d'après, me revoilà piégée dans ce corps. Ma mère se tient à mes côtés, ma couette en main. Un frisson me parcourt, et j'essaie de lui reprendre.

- Tatata ! Tu te lèves jeune fille. J'espère que tu n'as pas oublié que tu vas chez ton père ce week-end !

Je grogne et me résigne à me traîner hors de mon lit. Je n'ai aucune chance de gagner à ce jeu-là avec ma mère. Ce n'est pas faute d'avoir essayé. Sous son regard agacé, je fourre des vêtements dans un sac.

- Tu comptes rester là pendant que je me change aussi ?

Après m'avoir lancé son habituel regard noir, elle quitte la pièce en fermant la porte, après m'avoir asséné un :

- Dans la voiture, dans cinq minutes ! Et ne t'avise pas de te recoucher, où je pourrais oublier de venir te chercher dimanche soir, et accidentellement changer le code Wifi.

Une fois qu'elle est hors de portée, je lâche un chapelet d'injures. Je déteste les samedis où je ne peux pas dormir jusqu'à midi. À quoi ça sert sinon ? Je remets le même gros pull noir, informe, que la veille. Mes cheveux sont dans un état... Heureusement que je peux leur donner un autre aspect dans le monde spirituel. Il ne me faut que trois minutes pour rejoindre la voiture, et essayer de me rendormir. J'entends la porte de la maison claquer, puis les talons de ma mère qui résonnent sur le bitume. Elle rentre et je ne réagis pas. Son parfum envahit la voiture, et je me sens un peu étouffée par sa présence.

- Tu dors ?

Je laisse échapper un léger grognement, assez convaincant.

- Je vois. Soupire-t-elle. Ce n'est encore pas aujourd'hui que l'on va avoir une fabuleuse discussion mère-fille, pas vraie ?

Il faut que je m'empêche de laisser un rictus s'installer sur mes lèvres. Pour qu'elle puisse se vanter devant ses collègues de sa complicité avec sa fille ? M'exhiber comme un trophée supplémentaire de sa petite vie parfaite ?

Les vingts minutes de voiture qui nous séparent de chez mon père se passent très vite, et je n'arrive pas à me rendormir. Fait chier.

Ma mère se gare et me tapote l'épaule. L'envie de rester là à faire semblant de dormir est forte. Mais, plus vite je monte chez mon père, plus vite je pourrais aller me recoucher. Je feins de me réveiller au deuxième tapotage, pour ne pas éveiller les soupçons.

- On est arrivé. Je viendrai te chercher demain vers 17 heures. Sois prête.

- Tu ne m'accompagnes pas ? C'est pourtant si sympathique chez papa !

Ma mère secoue légèrement la tête, dépitée. Quel boulet je suis pour elle. Sans moi cela ferait des années qu'elle n'aurait pas revu mon père. Je sors de la voiture, prends mon sac dans le coffre, et sonne à l'interphone de l'immeuble.

- Oui ?

- C'est Lise.

- Ah.

Je n'étais pas la seule à avoir oublié notre week-end apparement. J'entends un bruit de verre, puis la porte se déverrouille. Bien sûr, l'ascenseur ne marche pas, alors je prends l'escalier jusqu'au sixième étage. Devant la porte, un carton de bouteilles vide attend d'être descendu, et mon père, devant, essaye de m'en soustraire la vue.

- Mon petit canard ! Ça fait longtemps que je ne t'ai pas vue !

- Deux semaines.

- Tu as encore grandi ! Laisse-moi prendre ton sac.

Le marchand de sableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant