Le marchand de sable

37-Will

Le calme qui vient après le départ de Lise est horrible. Pourquoi ?

J'ai été gentil et sage toute ma vie. Et je suis mort. Puis, je suis arrivé ici, l'âme la plus pure dans la salle d'attente au moment du départ du marchand de sable prend sa place. J'ai encore été gentil et sage. Pourquoi est-ce que ça ne suffit pas ? Pourquoi la seule chose, la seule personne qui pourra jamais me rendre heureux, je n'ai pas le droit de l'avoir ?

C'est injuste.

J'ai senti les divinités toute la journée, mais elles ont mystérieusement disparu maintenant. Le choix que j'ai à faire doit sûrement être pris seul.

Lise est fragile, depuis longtemps mentalement, désormais physiquement.

Et je me le pardonnerai jamais si elle meurt et que j'ai rien fait pour l'en empêcher.

En fait, je ne peux pas être heureux sans elle, mais je serais certainement malheureux si elle n'est pas heureuse. Son bonheur est donc plus important.

C'est en me laissant guider par mon égoïsme que j'ai créé cette situation, c'est en renonçant à tout que je peux la régler. En fait, c'est la leçon que j'aurais dû apprendre bien plus tôt.

J'ai pourtant eu le bon modèle, les divinités sont même le modèle parfait. Mais ça n'aura pas suffi, et j'apprends la leçon de la manière forte. Maintenant, je crois que je suis prêt, résigné à être comme elles.

" Je voudrais faire mon vœux."

Ça prend pas longtemps pour que je sente leurs présences autour de moi.

" Es-tu sûr de toi ?" Me demandent-t-elles à l'unisson.

Leurs silhouettes de lumière se dessinent autour de moi. Les êtres les plus purs qui existent, seulement faites d'amour et de compassion pour l'humanité. Des êtres à la vie incroyables, impeccable et dénuée de cupidité et d'égoïsme, qui même après leurs morts continuent à faire le bien. L'incarnation du bien.

" Je suis sûr."

" Quel est ton vœux, marchand de sable ?"

" Je souhaite que Lise vive une longue vie, qui la rende heureuse."

" Sais-tu que tu n'as qu'un vœux, marchand de sable ? Comprends-tu que cela implique une éternité de labeur ici ?"

" Je le comprends."

" Es-tu prêt à accepter les conséquences de ton vœux ?"

" Mon vœux est suffisamment important pour que j'en supporte les conséquences."

Les voix murmurent, mais j'arrive pas à comprendre ce qu'il se dit.

" Alors ton vœux sera exaucé, marchand de sable."

Une petite luciole apparaît dans ma main, clignote quelques instants, avant de s'envoler, et de traverser la première couche du nuage.

J'incline la tête. J'ai envie de pleurer,  pas de peur, mais de joie et de soulagement. J'ai enfin payé ma dette envers Lise.

" Si vous permettez, maintenant les dormeurs m'attendent. Pour aujourd'hui, et pour toujours"