16-Lise

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Je me réveille en sursaut, violemment, comme si on m'avait expulsé de mon sommeil. Cette nuit qui avait si bien commencé, me laisse un arrière-goût amer.

À mon réveil, il fait encore nuit. Mon téléphone indique 6 heures. Les cours ne commencent qu'à huit. Je m'habille en vitesse, rajoute une veste après avoir senti la température à la fenêtre. l'automne est bien installé.

Une fois dans le couloir, j'hésite. Est-ce que je devrais me balader un peu dans les jardins ? De toute manière, je suppose que les portes sont verrouillées à cette heure-là. Encore une fois, je me retrouve dans la salle de musique, assise au piano. Tout a beau tourbillonner autour de moi, ça fait du bien d'avoir un point de repère, inébranlable. Quand ce n'est pas le monde spirituel, la musique tient très bien ce rôle.

Je commence un morceau de mon invention, changeant une note par-ci, ajoutant un accord par là. Pour une fois, mes pensées noires se calment jusqu'à n'être plus qu'un murmure lointain. Les rideaux sont à moitié tirés, mais au fur et à mesure que je joue, je peux voir du coin de l'œil le ciel s'éclaircir et se tinter de rouge. Quand je m'arrête, ma respiration est calme, profonde, apaisée. Je m'attends à pouvoir savourer le silence, mais manque de tomber de mon tabouret quand quelqu'un se met à taper dans ses mains derrière moi. Une bouffée de panique me traverse et se coince dans ma gorge, et alors que je me retourne, toute impression de sérénité s'est envolée.

- Qu'est-ce que tu fais là ? Je demande, plus sèchement que je ne le devrais, à Bastien, prénom du violoncelliste, que j'ai appris hier.

- J'ai fait un rêve où je jouais, j'avais envie de venir ici en me réveillant. C'est beau ce que tu joues. Et comment tu le joues surtout.

Je soupire et regarde l'heure sur mon téléphone : 7 heure et demie, je vais aller déjeuner à la salle commune. Je me lève en essayant de ne pas trop précipiter mes gestes.

- Tu pars déjà ? Me demande Damien, avec une sorte de... déception ? Dans la voix.

- Oui. J'ai fini. Tu peux y aller.

Je sors de la salle sans lui laisser le temps de renchérir, et je marche à vive allure jusqu'aux escaliers. Je crois que je ne vais pas revenir ici avant un moment, si une fois sur deux, je dois croiser quelqu'un. J'essaie de calmer ma respiration en me concentrant dessus, mais cela me prend plusieurs minutes. Même avec le temps, je ne me suis pas habituée aux coups de stress, d'angoisse ou de panique que me procurent les gens quand ils me parlent. Être dans un endroit où je peux en croiser en permanence ne risque pas d'améliorer ma santé mentale.

À la cafétéria, une vingtaine de personnes sont déjà dispersées autour des grandes tables. Après m'être attrapé un chocolat chaud et un croissant, j'ai besoin d'un peu de réconfort si je veux survivre à cette nouvelle journée, je m'installe dans mon coin habituel, où heureusement personne ne m'a jamais rejoint jusque là .

Je me perds dans mes pensées, mon regard suivant les fresques dessinées sur les murs en face de moi.

- Je peux m'asseoir ?

Olie se tient devant moi avec son plateau. Un "non" spontané manque de franchir mes lèvres. Je ferme hermétiquement la bouche et hoche la tête. Olie s'installe en face de moi, ses cheveux châtains parfaitement bouclés qui encadrent son joli petit visage rond. Ses lèvres enduites de gloss forment un sourire que certains imbéciles qualifieraient d'angélique, quand je penche plus pour vicieux. Qu'est-ce qu'elle pense bien pouvoir m'exhorter ?

- Ça va, tu t'adaptes bien ici ? On ne te voit jamais avec personne, on ne va pas te manger tu sais ?

- J'aime simplement bien être seule. Le silence est mon meilleur ami.

Le marchand de sableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant