7-Lise

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Je ne suis encore jamais allée dans le bureau du principal, et on peut dire que ça ne m'enchante pas plus que ça. Nous traversons un couloir exactement comme dans mon imagination, long, humide et mal éclairé. Celui-ci débouche sur une porte en bois, qui ne comporte qu'un poignet et une petite plaque argentée, avec le nom de mon principal. Ce n'est pas encore l'heure. Nous sommes arrivées en avance.
Dans la tête de ma mère cela ne peut qu'atténuer ma sanction. Le problème, c'est que je suis bien au-dessus de la peine maximale, mais ça, elle ne le sait pas encore.

- Mademoiselle Oketch.

Le principal se tient devant la porte, une main sur la poignée. Ma mère se lève et je la suis. Elle me fait un regard agacé, qui alterne entre ma capuche et mon visage. Je lève les yeux au ciel et enlève ma capuche. S'il n'y a que ça pour lui faire plaisir.

- Entrez, installez-vous.

Je ne décroche pas un mot et m'installe dans l'un des fauteuils en cuir froid de la pièce. Avec le large bureau en bois, la moquette bleu foncé, les diplômes accrochés au mur, Le costard et la cravate immaculée de mon interlocuteur, on se croirait dans un film.

- Madame Voclain, merci d'avoir fait le déplacement. Il fallait que je vous parle de votre fille. Ce qu'elle a fait est très grave.

Ma mère hoche très sérieusement la tête, buvant les paroles de cet homme, qui se fera un plaisir de me punir. Sans un instant questionner la raison de mes actes, sans s'interroger sur sa part de responsabilité dans la souffrance de ses élèves.

- Comme vous le savez, Lise a fracturé la pharmacie de l'infirmerie et volé des somnifères hier. Bien évidemment, le coût de la réparation vous sera facturé.

- Bien sûr. Acquiesce ma mère avec compréhension.

S'il lui suffit de payer, c'est parfait pour elle. Malheureusement, le proviseur reprend la suite de l'histoire, que je me suis gardée de lui raconter jusque-là.

- Toutefois, d'autres événements fâcheux viennent s'ajouter à cet incident. Tout d'abord, j'ai fait ma petite enquête, plusieurs de ses professeurs se plaignent du manque d'attention de votre fille dans leurs cours, et même de siestes ! Ceci est un manque de respect que nous ne saurions tolérer dans notre établissement...

Je décroche, alors qu'il continue à énumérer tous les points que j'attendais, notes en chute, pas d'implication, insulte un professeur... Je regarde l'horloge : nous sommes entrées il y a deux minutes. Je n'aurais pas tenu longtemps...

Mon regard sur mon poignet, je parcours du bout de l'index les contours de ma marque, ma respiration devient plus calme, mes épaules s'abaissent.

- ... À mon grand regret, il n'y a qu'une sanction envisageable pour Lise : l'expulsion définitive.

Un hoquet s'étrangle dans la gorge de ma mère, et sans la regarder, je peux imaginer son visage blanchir, sa mâchoire se contracter.

- N'y a-t-il vraiment rien que je puisse faire pour vous convaincre de lui donner une deuxième chance ?

- Quel exemple cela donnerait-il à ses camarades, si nous la laissions réintégrer notre établissement maintenant ? Cela fait plusieurs mois que le comportement de Lise se dégrade, et nous lui avons donné toutes les opportunités de le rectifier.

J'aimerais bien qu'il me cite ces opportunités, mais un coup d'œil à ma mère m'incite à garder la bouche fermée.

- Le conseil qui a été réuni en urgence ce midi a été unanime, Lise ne peut plus continuer sa scolarité dans notre établissement. C'est regrettable, mais elle ne s'y épanouit pas, et nous osons espérer que ce changement lui remettra les idées en place pour son propre bien.

Le marchand de sableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant