2-Will

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Lise repart plus tôt que prévu, par surprise. Je n'ai pas de notion du "temps", mais je sens que c'était bien plus court que d'habitude ! J'avais déjà fait le plus gros de ma tournée quand Lise est arrivée, alors je ne sais pas trop quoi faire. Je sais que d'habitude, les marchands de sable la font en même temps que les dormeurs, mais j'arrive à faire autrement. Au début, c'était une catastrophe ! Les divinités avaient été obligées de me dire de me concentrer plus... Mais maintenant j'y arrive très bien, et plus je serais grand, plus ça sera facile.

De toute façon, quand Lili n'est pas là, je me sens seul, alors au moins ça me distrait. Tous ces gens que je vois, ça me fait du bien, même si eux ne me voient jamais. Je me glisse entre deux couches, et me laisse porter par les songes, observant tous les rêves en cours. Il y en a de très jolis, je suis content. Les songes me bercent, et un temps à la fois infini et infime s'écoule... je crois.

C'est la voix de Lise qui me tire vers le centre du brouillard. Elle doit être revenue il y a un moment, parce qu'elle n'a pas l'air contente. Ça me fait un peu mal que je l'ai mise en colère.

- Tu étais où ?

Je grimace, c'est plus dur de comprendre ce qu'elle dit seulement avec les sons.

" Et toi ? "

- Ma mère m'a réveillée. Elle voulait qu'on mange en famille.

" Pourquoi tu parles pas normalement ?"

" Désolé. C'était ma mère, elle voulait qu'on mange." Répète-t-elle en pensée, cette fois.

Je hausse les épaules, comme si je savais ce que c'était.

" On y va ? " elle demande.

 Enfin !

Je hoche la tête, déjà rassuré. Aujourd'hui, j'ai envie d'aller écouter les échos, alors nous traversons beaucoup, beaucoup de couches. Au fur et à mesures, les ombres changent, deviennent inconnues. Ce sont tous les restes de rêves, de plus en plus vieux. Au début, il y en a beaucoup à moi, et après aux anciens. À côté de moi, Lise a l'air détendue, parce qu'elle n'a plus le pli entre les sourcils, comme elle m'a expliqué. Les ondes qui circulent entre nous sont toutes douces, alors j'essaie de faire des réserves pour après. On arrive à mon temps préféré, avec les costumes bouffants et les grandes perruques. Lise l'appel la renaissance, moi j'admire juste. Les échos sont faibles, mais si on tend l'oreille, on peut comprendre. Enfin, moi oui. Parce que Lise non. Des fois, je lui laisse utiliser mes oreilles, mais je ne suis pas sûr qu'elle aime beaucoup, elle fait toujours une tête bizarre.

Le marchand de sableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant