Après avoir repris mes esprits, je retourne dans ma chambre, avant de réaliser que ce sera le premier endroit ou Mme Zufingere viendra me chercher.
J'enfile la combi de plongée que je n'ai pas rendue la dernière fois, et que personne n'est venu réclamer pour l'instant. Je ne croise personne, ni dans les couloirs, et encore moins dehors. Il fait un froid glacial, et même avec mon manteau par-dessus la combinaison, je grelotte.
Quand j'arrive au ponton, je me demande si je ne suis pas en train de faire une bêtise. Mais j'ai les nerfs en boule, et je ne vois rien d'autre pour me calmer. Je ne suis pas débile, je n'arriverai jamais à m'endormir avec tout cet énervement et cette agitation qui bouillonne sous ma peau.
Si l'air est glacé, l'eau est un niveau au-dessus. J'ai plongé avant de me dégonfler, et des milliers de petites aiguilles s'enfoncent dans mon corps. Soudainement, j'ai l'impression d'avoir l'esprit plus clair. J'ai envie de me laisser couler, d'attendre que mes muscles soient si engourdis que je ne puisse plus remonter, et de laisser le froid s'infiltrer jusque dans ma poitrine, jusqu'à mon cœur.
Mais je ne le fais pas. Willy m'en voudrait terriblement, si je devenais un esprit. Alors, je bats des pieds, remonte à la surface et inspire goulûment l'air qui parait maintenant chaud.
Je nage vite pour me réchauffer. Je ne sais pas d'où me vient ce goût pour le froid, surtout l'eau froide. Mais sentir l'engourdissement qu'il provoque, m'a toujours aidé à me détendre. Peut-être est-ce ce qui se rapproche le plus de la sensation que j'éprouve quand je change d'univers, peut-être est-ce le silence absolu, le ralentit qu'il entraîne. Quand je sors de l'eau, j'ai l'impression d'avoir relativisé toutes les émotions qui menaçaient de me submerger. Il ne doit pas être plus de midi, mais le brouillard est si épais qu'on se croirait en fin de journée. Je rentre au pas de course, pour ne pas geler.
Après avoir abandonné la combinaison dans la salle de bain, et m'être rincée sous la douche, je me glisse dans les draps qui en comparaison de ma baignade me paraissent incroyablement doux et chauds. Mes paupières sont lourdes, et je ne mets pas longtemps à trouver mon chemin vers le nuage.
Même si je me sens mortifiée de ma matinée, je me recompose pour Will, j'ai l'impression d'avoir une personnalité différente pour chaque monde.
Nous sommes dans la cabane, sur la plate-forme qui a déjà une dizaine d'années.
Je me rappelle comme ç'avait été compliqué de recréer les tyroliennes qui entourent la cabane. Comment vous expliquez à quelqu'un qui n'en a jamais fait l'expérience, la sensation que ça provoque ? Surtout quand vous avez tous les deux six ans.
Will joue avec mes cheveux, c'est agréable. J'essaie de ne penser à rien, de me concentrer sur les ondes apaisantes qui se dégagent de ses mains.
" Ça va bien avec Olivia ?"
J'incline un peu la tête, pour pouvoir distinguer l'expression de Willy. Inquiet. Ça ne sent pas bon.
" Bien sûr. Il faudrait être fou pour ne pas apprécier cette fille, c'est la gentillesse incarnée."
" Elle a l'air."
" Willy ?"
" Oui ?"
"Tu es en train de me tirer les cheveux."
Will baisse les yeux vers ses mains, un peu plus crispées qu'habituellement.
Comment je peux le rassurer ?
Je ne sais pas si je peux faire ça, je n'ai jamais essayé avant, mais il faut que je teste.
Je ferme les yeux, pose mes mains sur les siennes.
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Le marchand de sable
FantasíaDans le monde réel, Lise se sent seule, menacée, écœurée des humains. Sa vie quotidienne, elle la passe en apnée, s'accrochant à son secret pour supporter et survivre. Car Lise est une rêveuse. Chaque nuit, alors que les autres dorment, elle, a la c...