On est plongé dans le noir, les chaises ont été alignées, et un tissu tendu sur un mur sert d'écran pour projeter le film qui a été choisi.
Ils sont tous absorbés par l'histoire, mais j'ai du mal à suivre. C'est normal, puisque toutes les cinq secondes, je ressens le besoin de regarder autour de moi, tentative idiote pour essayer de me sentir en sécurité.
C'est dur. J'essaie de tenir le coup, en transformant ma terreur en colère et en agressivité, ce qui est bien utile, mais au fond, j'ai l'impression de devenir folle.
Je surprends le regard de plusieurs de mes camarades sur moi.
Qu'est-ce qu'ils veulent ?
Qu'est-ce qu'ils me feront si je baisse la garde ?
Seront-ils directement physiquement violents ? Utiliseront-ils des moyens plus incidieux pour me détruire mentalement ? Se prétendront-ils des personnes de confiance pour m'abandonner dans les moments de besoin ?
Je ne veux plus le savoir, si ils s'approchent, je crois que je pourrais bien les frapper.
Un flash de lumière éclaire brièvement toute la salle, suivi presque aussitôt d'un bruit assourdissant qui fait trembler le sol. Le vidéoprojecteur et les lumières de l'extérieur se coupent simultanément, nous plongeant dans le noir absolu.
Certains élèves crient et s'affolent, d'autres se lèvent, allez savoir pourquoi.
- Tout le monde reste à sa place, nous allons chercher des lampes et essayer de remettre le courant. Que personne ne sorte d'ici.
Bien sûr, les murmures inquiets des élèves emplissent la salle. Je suis à bout de nerfs, privée de sommeil et de sécurité depuis trop longtemps, et ne pouvant pas voir mes camarades, mon imagination débordante prend le dessus.
Pour éviter de m'écorcher davantage les mains, je m'agrippe aux bords de ma chaise. Inspirer, expirer. Rien ne va se passer. Inspirer, expirer. Retenir. Inspirer. Expirer.
Je répète l'exercice pendant ce qui me parait une éternité, mais au moins, j'arrive à occulter un peu ce qu'il y a autour de moi. À défaut de pouvoir agir sur la situation, autant m'en soustraire au maximum.
À chaque fois que quelqu'un me frôle, je manque de faire un arrêt cardiaque. Je ne sais pas à quand cela remonte, mais je déteste le noir.
- Silence tout le monde !
Les professeurs qui étaient sortis sont enfin de retour, avec des lampes de poches et le gérant. Ça ne présage rien de bon.
- Il n'y a plus d'électricité dans tout le secteur. Une équipe devrait pouvoir intervenir demain, mais pour l'instant les routes sont bloquées et la tempête ne fait apparemment que commencer. Vous allez être accompagnés à vos chalets les uns après les autres, là-bas, on vous confiera des talkie-walkies pour appeler en cas de problèmes, et vous ne sortirez sans adulte sous aucun prétexte. Compris ? Des sandwichs vous seront apportés par la suite.
Tout le monde autour de moi semble affolé, étrangement, je ne le suis pas plus que tout à l'heure, je dois avoir atteint mon maximum.
Deux professeurs nous escortent sous la tempête, et Emma est en pleure.
- J'ai la phobie des orages. Sanglote-t-elle, agrippée au bras de Cécile.
- Il a des phobies que tu n'as pas ? La questionne Candice d'un ton sec, non pas inquiète, mais excédée de voir notre sympathique séjour ruiné.
- Moi, je trouve ça excitant et romantique ! Soupire Cécile. Si seulement on avait des bougies.
Je ne dis rien, mais je remercie le ciel qu'on n'en ait pas, je déteste ça. En y pensant, cette tempête est une aubaine, je vais pouvoir me coucher bien plus tôt, et probablement me lever bien plus tard ! Je me sens un peu soulagée à cette pensée, Will saura finir de m'apaiser.

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Le marchand de sable
FantasyDans le monde réel, Lise se sent seule, menacée, écœurée des humains. Sa vie quotidienne, elle la passe en apnée, s'accrochant à son secret pour supporter et survivre. Car Lise est une rêveuse. Chaque nuit, alors que les autres dorment, elle, a la c...