40-Lise

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Les mois passent, et avec le mois de juillet arrivent les résultats de mon bac de français.

Après mon accident, les médecins m'ont imposé un mois de suivi journalier par leur psychologue. En étant sage et ouverte, j'ai réussi à convaincre tout le monde que je n'avais pas besoin d'un traitement. S'il y a bien une chose que je ne veux pas, c'est retoucher à un médoc. La dose de la dernière fois me suffira pour un bon moment.

Je suis assise à mon bureau, et derrière moi ma mère s'impatiente.

- Pourquoi ça ne charge pas ? Tu es sûre que tu as les bons identifiants au moins ?

Je n'ai pas besoin de lui répondre, Christophe se charge de lui masser les épaules.

- Attends un instant, de toute manière les dés sont déjà jetés.

Accroché à la jambe de mon beau-père, Thomas n'a aucune idée de ce qui peut bien être aussi intéressant sur cet ordinateur.

- Papa ?

- Oui, bonhomme ?

- Je peux aller prendre une crème dans le frigo ?

Je n'ai pas besoin de le regarder pour savoir qu'il est en train de faire sa mimique habituelle. Un vrai pro de la manipulation. Christophe se laisse facilement convaincre, trop heureux de pouvoir se débarrasser un instant de ce petit singe assez agité pour quatre.

Tandis que mon frère court comme un fou jusqu'au frigo, je rafraîchis la page.

- Alors ? Demande mon père à l'autre bout du téléphone.

Je cache mes yeux de la paume de mes mains, soudainement trop inquiète pour regarder les résultats. Moi qui pensais que je m'en foutais. J'ai fait de mon mieux, peu importe le résultat, non ?

- Lise ? Réclame mon père.

J'entends les exclamations de ma mère à côté de moi, alors je n'y tiens plus et regarde.

- YES !!

Ma mère prend le téléphone et crie presque dans les oreilles de mon père.

- 11 à l'écrit et 15 à l'oral ! Notre fille est un génie Benson !

Christophe me félicite chaudement, puis s'éclipse autant pour échapper à la danse de la joie de ma mère, que pour s'assurer que son fils n'est pas en train de faire une indigestion.

- Un génie, faut pas exagérer, mais en me mettant au boulot au mois de février, c'est vrai que je suis trop fière !

À l'autre bout du téléphone, mon père ne cache pas sa joie.

- Je dois y aller, Lisouille. J'ai une audition dans quinze minutes. Si je suis ne serait-ce qu'un quart aussi doué que toi, c'est dans la poche !

Mon père raccroche, et je me retrouve seule avec ma mère qui m'étouffe dans ses bras.

- C'est bon maman. C'est que des notes. 

Je rigole, heureuse de ce moment que je n'aurais jamais envisagé vivre il y a quelques mois.

- Ce n'est pas que des notes. C'est le fait que tu aies été en assez bonne santé pour passer les épreuves, et que tu sois capable de te fixer un objectif et de le tenir. C'est bien plus que je ne l'aurais espéré à ton admission à l'hôpital.

Cette fois, c'est moi qui manque d'étouffer ma mère.

- Bon, il faut que j'appelle les autres pour qu'on échange nos résultats, tu me laisses 5 min ?

- Pas de soucis, fais un gros bisous et félicite Damien et Olivia de ma part, je suis sûre qu'ils ont eu des super résultats !

Le soir, quand je me glisse dans mon lit, je n'arrive toujours pas à réaliser qu'il y a à peine quelques mois, à la rentrée de septembre, je n'aurai jamais pu ne serait-ce qu'imaginer tout ce qui m'est arrivé cette année. C'est fou à quel point tout a basculé si vite. Je crois que je me sens relativement heureuse, la majorité du temps.

Alors que je sombre dans le sommeil, son image s'impose dans mon esprit et me pince le cœur. Mais j'ai accepté qu'il fallait maintenant que je passe à autre chose.

Notre connexion est définitivement rompue, je ne le reverrai plus.

J'espère simplement qu'il va bien, car les rares fois où je rêve, une expérience extrêmement bizarre d'ailleurs, je sens bien que ce n'est pas sa patte. Que devient-il ? N'en avoir aucune idée est sûrement la plus grosse ombre de mes journées, même si j'ai honte de l'admettre, plus les mois passent, moins cette idée me hante.

Au début, je pouvais y penser toutes les dix minutes, à présent, c'est uniquement avant de m'endormir. Me dire qu'un jour, je n'y penserai même plus tous les jours me rend triste. Mais je suppose que c'est le cours naturel des choses.

Le marchand de sableOù les histoires vivent. Découvrez maintenant