Prologue

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 — Regarde, voici le village.

Vipère tourna la tête dans la direction indiquée par son compagnon et aperçut le village des Cactus niché entre deux dunes.

— Donc, d'après la Reine, il y a quatre dragonnets âgés de plus d'un an dans ce village ?

— C'est ça, acquiesça le dragon des Montagnes.

— Eh bien, allons-y.

Les deux dragons plongèrent vers les habitations et se posèrent silencieusement entre les maisons.

— C'est dans ces maisons que se trouvent les dragonnets, dit Liane en désignant trois bâtisses en pierre du bout de la serre.

Les deux compagnons s'avancèrent vers la plus grosse et toquèrent à la porte. Celle-ci s'ouvrit quelques instants plus tard et le museau d'un dragon des Dunes apparut.

— Bonsoir, dit-il poliment. Que puis-je faire pour vous ?

Liane brandit devant le museau du dragon un papier et déclara d'une voix ferme :

— Nous sommes envoyés par la Reine. Elle a décidé d'ouvrir une école pour les dragonnets. Tous les parents sont dans l'obligation de nous confier leurs dragonnets de plus d'un an.

— Pardon ? fit le dragon des Dunes.

Ses écailles avaient une belle teinte cuivrée, et une fine cicatrice blanche traversait son museau.

— Vous avez deux dragonnets, c'est ça ? demanda le dragon du Feu.

— En effet, acquiesça prudemment le dragon.

— Vous devez nous les confier pour que nous les emmenions à l'école de la Reine.

Son interlocuteur le fixa comme s'il venait de se transformer en bouc.

— Je vous demande pardon ? Il en est hors de question.

Vipère soupira intérieurement. Il aurait dû se douter que ce ne serait pas aussi simple. Qui laisserait ses dragonnets à de parfaits inconnus, même si ces inconnus étaient envoyés par la reine ?

— Vous n'avez pas le choix, répéta Liane en agitant le papier. Ordre de la Reine.

— Eh bien, que la Reine aille se faire cuire un œuf aux Montagnes de Glace, je ne confierai pas mes dragonnets à de parfaits inconnus !

— Très bien, soupira Vipère. Nous allons devoir passer à la manière forte.

Il grimaça intérieurement. Il détestait attaquer des dragons hors temps de guerre. Cela pouvait sembler étrange étant donné qu'il était un soldat, mais il ne le supportait pas.

— Que...? voulut dire son interlocuteur.

Il n'eut pas le temps de finir sa phrase. Liane l'assomma d'un coup de queue sur la tête et son corps s'effondra sur le sol dans un bruit mat.

— Arghl, grommela Vipère. Maintenant, il va porter plainte.

— Tu crois vraiment qu'il se souciera du fait qu'on l'ait assommé une fois qu'il se réveillera et qu'il constatera que nous avons pris ses dragonnets ?

— Non, soupira le dragon du Feu.

— Viens.

Les deux soldats entèrent silencieusement dans la maison et se mirent à la recherche des dragonnets.

— D'ailleurs, lança soudain Vipère, où est leur mère ?

— À qui ? demanda distraitement Liane.

— Aux dragonnets de cette maison. On ne l'a pas vue.

— Je ne sais pas.

Méfiant, Vipère scruta la pénombre avec nervosité. Il entra dans une pièce en faisant bien attention à ne rien toucher d'inflammable. Le problème, lorsqu'on était entièrement constitué de feu, c'était que l'on devait toujours faire attention au moindre de ses mouvements pour ne rien enflammer. La plupart de ses congénères ne se donnaient pas cette peine, mais Vipère, si.

Deux petits yeux brillants s'allumèrent dans un coin de la pièce baignée par la pénombre. 

Ah.

Vipère s'approcha délicatement et tomba sur un jeune dragonnet des Dunes blotti dans une couverture. Lorsque Vipère s'approcha, le dragonnet se réveilla et se redressa, une lueur de panique dans le regard. Ses écailles étaient couleur sable et une fine cicatrice traversait son œil droit. Le soldat se demanda un instant comment le dragonnet avait pu l'obtenir, puis il le couvrit d'un regard apaisant.

— Bonjour, murmura Vipère. Ne t'inquiète pas, nous n'allons pas te faire de mal.

— Qu'est-ce que tu dis ? demanda Liane. Oh ! Tu as trouvé l'un des dragonnets ! dit-il satisfait.

— Où est l'autre ?

— Aucune idée. Il n'est nulle part.

Liane se pencha pour attraper le dragonnet entre ses serres et Vipère le trouva un peu trop brusque à son goût. Alors qu'ils se préparaient à quitter la pièce, une faible quinte de toux retentit derrière eux.

Vipère et Liane se retournèrent. La couverture remua faiblement et la tête d'un dragonnet apparut. Le dragon du Feu s'approcha sur la pointe des griffes pour ne pas l'effrayer.

Le dragonnet leva les yeux vers lui et toussa de nouveau. Ses écailles étaient ternes, et il était si maigre que le soldat pouvait compter ses côtes.

— Il est malade, murmura-t-il la gorge serrée.

— Et il ne tiendra sans doute pas la nuit, dit Liane. Laissons-le. Voilà sûrement la raison de l'absence de leur mère ; elle a dû aller chercher de quoi le soigner. Pauvre petite chose. J'enverrai Ombre voir s'il va mieux d'ici quelques jours, afin que nous le récupérions si c'est le cas.

— Partons.

Les deux dragons se détournèrent du dragonnet malade et sortirent silencieusement de la maison. 

Les Serres d'ArgentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant