Un dragonnet inquiet

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Alkaryon flottait.

Il était de retour à l'école avec ses amis. Sauf qu'il avait échoué. Il n'avait pas sauvé Tempête. Il ne méritait plus sa place auprès d'eux. Onde demandait sans arrêt : comment est-ce que ça a pu se produire ? Tu disais que tu allais la sauver.

La sauver.

De temps à autre, il ouvrait les yeux et voyait une pièce obscure. Des dragons qu'il ne connaissait pas se pressaient autour de lui. Ils venaient le voir mourir pour vendre  son cadavre.

Qui achetait des cadavres ?

La Reine Foudroyante. Elle achetait des cadavres. Ils marchaient encore après l'achat, mais ils étaient des cadavres malgré tout. Les plus idiots refusaient de l'admettre et faisaient semblant d'être en vie.

Le temps filait. Beaucoup de temps. Il aurait dû être mort. Pourquoi ne l'était-il pas ? Il avait envie de s'allonger et d'attendre que ça se produise. Et Étoile de Neige se retrouverait seul.

Mais non. Non. Il avait abandonné son frère. Et ses parents. Ainsi que Tempête, sa chère Tempête. Il n'abandonnerait pas Étoile de Neige. Pas question ! Il s'assurerait de ne plus jamais laisser le dragonnet seul.

Et puis, s'il mourait, que penseraient Onde et Roche ? Il ne pouvait pas les abandonner. Mais avait-il vraiment le choix ?

On a toujours le choix... son frère répétait souvent cette phrase. Alkaryon n'y croyait pas. On n'avait jamais le choix. Il fallait toujours obéir aux dragons adultes, aux plus grands, obéir aux ordres... Pourtant, tu as fui l'école. Il s'était enfui, comme un lâche.

Non, comme un sauveur. Il allait sauver le monde. Mais comment allait-il bien pouvoir faire une telle chose ? Les gardes de la Reine le tueraient avant qu'il n'ait eu le temps de ne serait-ce qu'apercevoir Foudroyante.

Mais pourquoi s'embêter avec toutes ces préoccupations ? Il ne passerait sans doute pas la nuit. À moins que ce ne soit le jour. Impossible de savoir avec cette obscurité constante.

Alkaryon entendait vaguement des dragons marcher autour de lui. Son flanc et son dos lui faisaient mal. Atrocement mal. Il avait l'impression qu'un dragon du Feu avait enfoncé ses griffes dans sa chair, puis patienté jusqu'à ce que ses écailles fondent. Non, pas un dragon du Feu. Une Griffe de la Nuit. Mais les Griffes de la Nuit ne faisaient pas de feu. D'où venait cette intense brûlure ?

Alkaryon tourna la tête et se força à ouvrir les paupières. La lumière lui agressa les rétines et il dut s'empêcher de refermer les yeux.

Un dragon des Dunes assis en face de lui poussa un petit cri en le voyant ouvrir les yeux et  se précipita vers lui.

Épine ? songea Alkaryon. Que faisait son frère ici ? Il ne l'avait pas vu depuis si longtemps...

Alkaryon cligna des yeux et sa vision se précisa. La déception l'envahit. Ce n'était pas son frère qui se tenait devant lui, mais une dragonne des Dunes. Une dragonne des Dunes qu'il connaissait...

Panthère !

Et alors il se souvint. Il se souvint de l'expédition dans la Forêt Noire, de l'infiltration dans la ruche des Griffes de la Nuit et de l'attaque.

Il fut soulagé de voir que la dragonne allait bien. Enfin, mieux que lui. Des bandages recouvraient sa patte arrière gauche et une athlète soutenait l'une de ses ailes.

Alkaryon fit courir son regard autour de lui. Il se trouvait dans la maison où il avait passé les dernières nuits. Ce qui signifiait qu'Étoile de Neige devait être dans cette pièce aussi. Il ne faut pas qu'il me voit dans cet état ! Alkaryon essaya de se redresser, mais ses membres refusèrent de lui obéir.

Les Serres d'ArgentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant