Retardés

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C'est ce soir.

Alkaryon repoussa la pile de cartes vers le fond de la table et soupira. Cela faisait deux jours qu'il essayait de trouver l'emplacement exact du palais de la reine en cherchant dans toutes les cartes de la bibliothèque, mais aucune n'indiquait jamais exactement le même endroit.

Les cartes n'ont vraiment aucune fiabilité, grommela-t-il intérieurement.

Il soupira de nouveau, puis se leva et étira ses ailes courbatues. Il était assis à cette table depuis des heures, à chercher dans des cartes, et il avait besoin d'action. Le jeune dragon des Dunes rangea les parchemins dans les étagères puis sortit de la bibliothèque à pas lents. Je me demande s'il fait beau aujourd'hui. Si c'était le cas, il irait chasser près de la rivière.

Mais il fut bien déçu de constater que non seulement il ne faisait pas un temps ensoleillé, comme il l'avait espéré, mais qu'en plus il pleuvait à saut. Des éclairs illuminaient le ciel par intermittence, et le vent jouait avec les branches des arbres en hurlant.

Dépité, le jeune dragon baissa la tête, mais une soudaine inquiétude lui fit relever le museau pour scruter le ciel noir. Comment allons-nous partir s'il fait toujours ce temps-là ce soir ? s'inquiéta-t-il.


Le tonnerre gronda de nouveau et Étoile de Neige sursauta.

Les cinq dragons étaient attablés au réfectoire avec leur repas, mais aucun d'entre eux ne mangeait.

Onde fini par repousser son lapin devant elle.

— Je n'ai pas faim, dit-elle. Nous n'allons pas pouvoir partir avec ce temps... n'est-ce pas ?

Alkaryon secoua la tête.

— Non, à moins que nous n'ayons envie de finir brisés contre des rochers, poussés le vent. Ou que la pluie éteigne Tempête.

— Bah, fit celle-ci. Ce n'est pas une petite pluie de rien du tout qui va m'éteindre.

Le jeune dragon des Dunes se tourna vers elle, les yeux écarquillés.

— Tu te fiches de moi ? demanda-t-il. Tu te fiches de moi ? L'autre jour, quand on s'est pris une petite averse, tu tirais une tête de trois pieds de long à cause de ça en te plaignant qu'elle t'avait éteinte, et là tu nous dis que ce n'est pas un orage qui va t'éteindre ?

Tempête ricana.

— Exactement.

— Laissez-moi la gifler, grogna Alkaryon.

La dragonne du Feu eut un rictus :

— Tu peux toujours essayer si tu veux. Nous aurions de l'Alkaryon grillé au repas.

Le dragon des Dunes se renfrogna puis mordit machinalement dans son morceau de canard.

— Quand partirons-nous, si ce n'est pas ce soir ? demanda-t-il en baissant la voix et en jetant un regard en biais à Étoile de Neige. Le dragonnet ne les écoutait heureusement pas, trop occupé à essayer de manger son propre morceau de viande à l'aide de ses petites dents.

— Dès que le temps s'améliorera, je suppose, répondit Roche.

— Je ne veux pas attendre, grommela Onde. Il faut qu'on parte maintenant.

— Un jour de plus, un jour de moins, qu'est-ce que ça change ? demanda Tempête. De toute façon, cela ne sert à rien de discuter. Nous sommes coincés ici. Point.

Roche hocha la tête et se pencha vers eux.

— Et il vaut mieux éviter d'en parler alors que d'autres dragons peuvent nous écouter autour...

Les Serres d'ArgentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant