Les Serres d'Argent

La prophétie

Deux dragons entrèrent dans la salle.

— Tu vois ? Il n'y a personne, dit le plus jeune des deux. Ses écailles étaient d'un bleu profond.

Le dragon qui l'accompagnait souffla de la fumée et regarda autour de lui avec méfiance.

— Je suis sûr d'avoir entendu parler.

— Tu as dû rêver. Et puis, tu vois bien qu'il n'y a personne. Il n'y a aucun endroit où se cacher ici, et nous bloquions la sortie.

— Ils sont peut-être cachés parmi les équipements.

Le jeune dragon aux écailles bleues soupira.

— Allons voir si tu y tiens tant que ça.

Tandis que les deux dragons s'éloignaient, Alkaryon poussa un soupir de soulagement et lâcha les deux stalactites qu'il tenait et qui lui avait permis de se plaquer contre le plafond. Ses amis firent de même et ils se posèrent silencieusement sur le sol.

— Partons, souffla Onde.

Les quatre dragons se faufilèrent hors de la salle et détalèrent dans les couloirs puis, une fois qu'ils furent sûrs qu'on ne pouvait plus les entendre, ils éclatèrent de rire.

— Nom des Orages, j'ai bien cru qu'on allait se faire prendre ! s'exclama Tempête.

— Moi aussi ! Heureusement que tu étais là, Alka, renchéris Onde.

Roche lui donna un coup de coude amical.

— Sans toi, on serait déjà en train de ramasser toutes les ordures de l'école, ou de faire je ne sais quelle autre punition tordue spécialement inventée par la directrice pour nous punir.

Alkaryon sourit.

— C'est vrai, que feriez-vous sans moi ? ironisa-t-il. 

Tandis qu'ils riaient, Alkaryon surprit un murmure provenant d'une salle à moitié fermée, d'où un fin rayon de lumière sortait par la porte entrouverte. Il s'arrêta et fit signe à ses amis de se taire.

— ..éthie.

— QUOI ?

Le jeune dragon des Dunes croisa le regard de ses amis, et tous comprirent le message ; ils s'approchèrent silencieusement de la porte pour écouter la suite de la conversation.

— La reine m'aurait prévenu de son existence si c'était le cas !

La première voix qu'ils avaient entendue répondit :

— Elle n'a apparemment pas jugé utile d'en informer son plus proche conseiller.

— Je t'interdis, siffla le deuxième dragon.

Alkaryon se rapprocha légèrement de la porte.

— Et que raconte ta « prophétie » ?

Oh non, grommela intérieurement Alkaryon. Encore des prophéties.

— Mmh... je l'ai noté. Laisse-moi retrouver le papier... (il farfouilla un moment.) ah, voilà.  

Prenez garde, reine des enfers,

Quand de votre pouvoir, vous aurez affaibli la terre,

Quatre se dresseront sur votre chemin,

Quatre dragons affronteront leur destin.

Ils rétabliront l'équilibre brisé,

Mais à l'enfant du mal, ils ne devront pas faire confiance,

Ou celui qui le considérait comme son meilleur allié,

Perdra la vie en même temps que la chance.

— Vous avez entendu ça ? demanda Onde.

— Parle moins fort, Étoile de Neige dort, dit Alkaryon.

Ils étaient de retour dans leur dortoir, et Roche était resté avec eux afin qu'il puisse parler de ce qu'ils avaient entendu tous ensemble.

La jeune dragonne des Rivières jeta un coup d'œil au dragonnet qui était blotti dans le lit d'Alkaryon puis se tourna de nouveau vers eux, les yeux brillants.

— Une prophétie mentionnant la fin de la Reine. C'est incroyable !

Alkaryon esquissa un sourire, amusé par l'enthousiasme de la dragonne.

— C'est une prophétie, reprit Onde, qui parle de quatre dragons dont le destin est de renverser Foudroyante.

— Et ? demanda Tempête. Je veux dire, c'est super, mais nous ne savons pas qui sont ces dragons.

— Justement, fit la dragonne des Rivières, un air triomphant sur le visage. Nous sommes quatre.

Un grand silence tomba dans la pièce, et tous la fixèrent avec étonnement.

— Réfléchissez ! dit-elle. Et si c'était nous, les dragons de la prophétie ? Et si notre destin était de renverser la reine et de ramener la paix dans le royaume ?

Des abeilles lui bourdonnent dans le cerveau ? pensa Alkaryon en souriant d'un air amusé, nous, dragons d'une prophétie dont nous ne connaissions pas l'existence jusqu'à maintenant ?

— Nous n'avons absolument aucun moyen de le savoir, rétorqua Tempête. C'est ridicule.

C'est étrange, Tempête n'a pas l'air ravie de la découverte de cette prophétie.

— Pas tant que ça, dit Roche. Je pense que ce n'est pas un hasard si nous sommes passés à côté de ces dragons juste au moment où ils en parlaient.

Tempête leva les yeux au ciel.

— Et toi, Alka, tu ne dis rien ? demanda-t-elle.

Le jeune dragon réfléchit un instant avant de répondre :

— Je ne sais pas, nous n'avons jamais entendu parler de cette prophétie jusqu'à maintenant, et comment savoir si elle est vraie ? Et je ne vois pas comment nous pourrions être ces dragons, il n'y a aucun signe qui nous le montre.

— Vous ne pouvez pas dire ça, répliqua Onde. Oui, peut-être que nous ne sommes pas les dragons de la prophétie, mais peut-être que nous le sommes.

— Ridicule. Combien y a-t-il de chance pour que ce soit le cas ? siffla Tempête en faisant mine de partir.

— Attends ! s'écria Onde. Ne veux-tu pas renverser la Reine ? Je veux dire, même si nous ne sommes pas les dragons de cette prophétie... ce n'est pas si grave, quelqu'un a prédit la mort de la reine, et même s'il ne parlait pas de nous, je désire essayer.

La dragonne du Feu lui jeta un regard.

— Tu es complètement folle.

Alors qu'elle s'éloignait, Alkaryon la rejoignit en quelques bonds et plongea son regard dans le sien.

— Tempête... tu aurais pu te montrer moins dure avec elle. Et puis... c'est vrai que l'idée de renverser la reine me plait bien.

La dragonne lui lança un regard sceptique puis s'étendit sur son lit et ferma les yeux sans même daigner lui répondre.