Le départ

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Le flanc d'Onde s'abaissait et montait doucement au rythme de sa respiration tandis qu'elle dormait. Alkaryon était assis près d'elle, et il lui jetait parfois des regards inquiets, comme pour s'assurer qu'elle était vraiment là et que son sauvetage n'avait pas été un rêve.

Il n'empêche que c'était trop facile, songea-t-il en frémissant. Ils n'ont laissé personne pour la garder, ont suivi Sheitan facilement et n'ont envoyé personne à notre poursuite.

Ils préparent un mauvais coup. J'en suis sûr.

Alkaryon se tourna de nouveau vers Onde et il grogna lorsque son regard passa sur les blessures qui striaient ses écailles. Elle avait une fine balafre sur le museau, et des griffures sanglantes traversaient son flanc. J'espère que Sheitan leur a fait payer tout ça.

Ils n'avaient toujours aucune nouvelle du dragon gris et de son écureuil, et Alkaryon commençait à s'en inquiéter.

Le jeune dragon des Dunes laissa son regard dériver autour de lui. Roche était allongé un peu plus loin, et Alkaryon n'aurait su dire si il dormait ou non. Tempête était assise contre un rocher, la tête baissée. Étoile de Neige lui, était assis non loin de la dragonne du Feu, et il semblait la scruter avec un air interrogateur.

Au-dessus d'eux, la lune était immense, entourée d'étoiles qui brillaient d'un éclat froid. Quelques fins nuages gris traversaient le ciel étoilé, portés par le vent.

Alkaryon sursauta en entendant un bruit sourd et se redressa vivement, imité par Roche et Tempête. Étoile de Neige couina et se roula en boule sur le sol, se couvrant la tête d'une aile.

Le dragon des Dunes montra les crocs et s'approcha de la source du bruit, mais il se détendit aussitôt : c'était Sheitan qui venait d'atterrir lourdement sur le sol.

Si Alkaryon commença par se réjouir du retour du dragon gris, sa joie fut vite balayée lorsqu'il se rendit compte qu'il était blessé.

— Sheitan ? Demanda Roche qui s'était approché également.

Le dragon gris leur sourit avant de vaciller.

— Des coriaces, ces dragons, dit-il.

— Où es-tu blessé ? Demanda Alkaryon en s'approchant du dragon gris.

Sheitan secoua la tête.

— Ne t'inquiète pas, je vais bien.

Alkaryon plissa les yeux. « Bien » n'était pas le therme qu'il aurait utilisé pour décrire le dragon des Montagnes; sa patte avant droite pendait misérablement, de profondes griffures striaient son dos et il était couvert d'égratignures.

— J'ai des cataplasmes de plantes médicinales, si tu veux. Dit-il au dragon gris.

Près de lui, Tempête frissonna et poussa un grognement de dégout.

— Je serais toi, je dirais non, dit-elle. Ses cataplasmes sont tout bonnement affreux.

Alkaryon grogna.

— Ils t'ont permis de guérir plus vite. Comment aurais-tu fait pour voler hier si je ne t'en avais pas mis ?

La dragonne du Feu leva les yeux au ciel et s'éloigna, et Alkaryon se tourna vers Sheitan en souriant.

— Bien. Où en étions nous ? Ah oui, j'allais te soigner à l'aide de mes merveilleux cataplasmes.

Le dragon gris poussa un grognement et emboita le pas à Alkaryon.



Alkaryon s'étira puis se lécha les babines.

— Eh bien, je n'ai plus faim ! Se réjouit-il.

Ses amis hochèrent la tête et Étoile de Neige se laissa tomber sur le flanc en soupirant.

— Je vote pour que Tempête aille chasser tous les jours, dit Roche en souriant. Maintenant qu'elle va mieux, elle va pouvoir nous attraper nos repas. D'autres repas comme celui-ci.

Il tapota la carcasse du cerf, encore couverte de lambeaux de viande que les dragons n'avaient pas pu finir malgré leur nombre et leur faim. C'était Tempête qui l'avait attrapé, et Alkaryon se réjouissait que la dragonne du Feu aille mieux.

Le dragon des Dunes s'étira de nouveau, puis il se tourna vers ses amis, le sourire aux lèvres.

— Comme Tempête va mieux, nous allons pouvoir repartir ! Dit-il.

Onde hocha la tête.

— Tu nous a ralenti bien assez longtemps ! Plaisanta-t-elle.

— Et toi donc, avec ton enlèvement ! Rétorqua la dragonne du Feu.

Une ombre passa sur le visage de la dragonne des Rivières qui ne répondit rien. 

— Quant à moi, dit soudain Sheitan, je vais vous laisser. J'ai d'autres aventures à mener.

Alkaryon se tourna vers le dragon gris.

— Merci pour l'aide que tu nous as apporté, lui dit-il. Je te souhaite le meilleur.

Onde et Roche le remercièrent également de bon coeur, et Tempête grommela des remerciements inintelligibles après qu'Alkaryon l'ait foudroyé du regard devant son silence buté. 

Étoile de Neige s'approcha de Sheitan et caressa l'écureuil qui se tenait aux pattes du dragon gris.

— Au revoir, Azopa. Murmura-t-il. Au revoir, Sheitan.

Le dragon gris s'inclina, puis, après qu'Azopa ait sauté sur son dos, il s'envola et disparut au loin, comme avalé par le ciel. 

Les Serres d'ArgentOù les histoires vivent. Découvrez maintenant