Doute et questionnement

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Rin s'affala sur le comptoir, cachant son expression désespérée dans la manche de son coude. Elle n'arrivait pas à croire qu'elle ait pu lever la voix de cette manière face à Hataru. Ça n'était pas elle. Ça ne lui ressemblait pas. Elle aurait simplement du la fermer, et prendre sur elle. Ce n'était pas comme si Hataru y pouvait quoi que ce soit si le père de Rin était un homophobe notoire. C'était aussi la propre maladresse de Rin qui lui avait mis la puce à l'oreille. Si elle avait gardé son écharpe bien enroulée autour de son cou, comme elle l'avait prévu, au lieu de simplement l'enlever en plein repas de famille sans penser une seule seconde aux marques qui le constellaient, rien de tout ça ne serait arrivé. Le week end aurait été désagréable, mais pas plus qu'à l'accoutumée. Il ne lui était de toute façon jamais vraiment agréable de retourner à Yamanashi. 

La jeune femme poussa un soupire prolongé. Au moins, Hataru n'avait pas semblé lui en tenir rigueur. Elle avait même passé son temps à s'excuser... certes, Rin lui en voulait un peu d'avoir tant insisté pour qu'elle rende visite à ses parents, mais... c'était Hataru. Rin connaissait cette facette de sa personnalité. Ce n'était pas comme si elle la découvrait soudain, et ne supportait pas d'y être confrontée. Sans compter ce qu'elle lui avait dit sur sa crainte d'être repérée au campus. En y repensant, Rin ne put s'empêcher de se flétrir un peu plus de gêne. Elle n'avait plus quinze ans! Elle était une étudiante majeure, elle était entourée de tant de personnes parfaitement à l'aise à l'idée de rendre leur sexualité publique. Mayuri-senpai, Suou-senpai, pour commencer... Lucie-senpai également, qui avait décrit de manière très détaché la manière dont elle avait tenté de le faire avec une femme une fois, pour essayer. Sans même parler de Hataru, qui avait accepté si facilement le fait qu'elle aimait une femme, ou sa grande soeur qui était mariée à Jade. Toutes ces femmes semblaient rendre la chose si facile. Prouver que vivre en aimant les femmes au grand jour n'était, finalement, pas si difficile. Rin n'était plus au lycée. Elle n'avait plus à se cacher pour éviter de se faire harceler, elle n'avait plus à craindre de se réveiller le matin, elle n'avait plus à enterrer ce secret comme s'il avait été un grave crime qu'elle avait commis à son insu. 

Pour autant, Rin ne se sentait pas à l'aise à l'idée que sa sexualité puisse être publique. La crainte instillée par le lycée était encore trop forte. Et elle craignait que cela ne finisse par peser sur Hataru... sa relation précédente avait, après tout, été très publique. Comment s'y prendraient-elles pour profiter l'une de l'autre en public si Rin continuait à être aussi réticente à l'idée que leur relation soit publique? Restait la solution du camping... au moins, là bas, il n'y avait jamais personne qui les connaisse pour les juger. C'était peut être pour ça que leur premier baiser avait eu lieu bien loin de Shizuoka, devant une tente, auprès du feu, sur un terrain de camping dont elles étaient les seules occupantes. 

Le bruit caractéristique de la sonnette de la porte d'entrée rappela Rin à ses responsabilités. Elle avait beau être stressée par toutes ces questions, elle ne devait pas pour autant oublier qu'elle était au travail. Et puis, les cours n'allaient reprendre que fin mars/début avril, presque trois mois plus tard... ce n'était pas comme si elle risquait de croiser des membres de sa promotion à tous les coins de rue d'ici là.

-Irashaimaseeee. Lâcha-t-elle d'un air distrait, en jetant un coup d'oeil rapide à la femme qui venait de pénétrer dans la petite librairie. 

Elle aurait le temps de repenser à tout ça plus tard. Et peut être... d'en parler avec Hataru. C'était probablement plus intelligent que de se morfondre seule de son côté. 

-Excusez moi. L'interpella la cliente qui venait d'entrer. Je cherche une carte des chemins de randonnée pour Yamanashi et ses environs. Vous auriez ça?

Rin hocha la tête. Elle ne posa pas la question de savoir si la femme en question ne trouverait pas plus facilement son bonheur en installant une application dédiée. Après tout, certaine personnes étaient juste plus à l'aise avec du bon vieux papier que quelques pixel. Rin le savait bien; elle faisait exactement partie de ces gens là.

Auprès du feuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant