Rin soupira en jetant un regard peu avenant au contenu de son écocup, dans lequel un liquide jaunâtre pétillait gaiement, comme si cela pouvait rendre son apparence plus appétissante. Autour d'elle, le bruit sourd des enceintes poussées au maximum se mêlait au brouhaha de la foule d'étudiants fêtards. C'était la dernière occasion de voir du monde avant longtemps, avait justifié Hataru. Lucie et Miwa avaient l'air d'en avoir très envie aussi. Et puis, comme beaucoup d'étudiants n'étaient plus là, il allait y avoir moins de monde. Tels avaient été les arguments avancés pour pousser Rin à venir à cette habituelle soirée étudiante du jeudi, la dernière de l'année scolaire. La salle polyvalente était en effet moins peuplée qu'à la dernière soirée à laquelle elle s'était rendue, c'était déjà une petite victoire, pensa Rin. Cependant, elle aurait volontiers passé sur l'opportunité de venir dans cette antre de sueur et de chaleur humaine - dont elle n'était pas très friande, lui préférant celle de sa couette et de son lit. D'autant que ses souvenirs de la dernière fois n'étaient pas très reluisants. C'était à cette occasion que Kanako avait fait ressortir le passé de Rin au grand jour, en parlant de son homosexualité devant un parterre de gens plus intéressés par les rumeurs du genre plutôt que par le harcèlement évident qui avait lieu. Elle avait également sous entendu que Kazuto-senpai était cocu, ce qui était techniquement faux, à l'époque, mais avait bien fini par avoir lieu. Rin craignait plus que tout de recroiser la jeune femme, qui s'était faite discrète après le festival culturel, lorsque Mayuri-san avait montré les muscles. Elle doutait cependant qu'elle dédaigne une opportunité de cracher son venin, dans ce lieu où les rumeurs et les mensonges étaient facilités par l'alcool. Sans même parler de recroiser Kazuto-senpai lui même... Rin n'avait interagi qu'une seule fois avec l'ex petit ami de Hataru, et c'était lorsqu'il était venu s'excuser auprès d'elle pour sa jalousie. Le pauvre ignorait que l'affaire avait déjà été consommée entre sa petite amie et Rin, à l'époque, même si les deux femmes tentaient d'ignorer et d'enterrer leurs sentiments. C'était une chose de risquer de recroiser Kanako, elle qui connaissait ses faiblesses et les exploitait pour lui faire mal. C'en était une autre de croiser Kazuto-senpai, en sachant qu'elle était réellement coupable de ses déboires sentimentaux récents.
Rin soupira. Vraiment, elle aurait préféré éviter de venir. Mais, en réalité, cela n'aurait fait que repousser le problème à la rentrée. Elle allait bien finir par recroiser la route de Kazuto-senpai, qu'elle le veuille ou non - il était dans l'équipe de basket de Lucie, après tout. Quant à Kanako, l'ignorer ne l'empêcherait pas de répandre son venin, et qui sait quelle mauvaise surprise elle découvrirait à la rentrée, en lui ayant laissé deux mois pour s'en donner à cœur joie? Peut être valait-il mieux arracher le pansement au plus tôt. Ce qui n'empêchait pas les mains de Rin de trembler légèrement - elle donnerait cher pour pouvoir éviter ces confrontations pendant la soirée.
-Rin? Tout va bien? La boisson n'est pas bonne?
La voix d'Hataru tira Rin de ses ruminations. Cette dernière cligna des yeux quelques fois pour se reprendre.
-P-pas terrible, non.
-Je suis d'accord. Rit la jeune femme, un large sourire au lèvre. Leurs idées de cocktail sont de pire en pire, j'ai l'impression.
-Pourquoi s'infliger de les boire, alors? Bougonna Rin.
-Détends toi un peu, Rin... sourit Hataru. On est là pour se détendre.
Hataru passa lascivement une main dans le dos de Rin, qui sursauta violemment avant de la chasser d'une petite claque sur le bras, renversant au passage une partie de son verre sur le magnifique chandail blanc de sa petite amie.
-Aïe! S'exclama Hataru.
-P-pardon! S'excusa aussitôt Rin, confuse, mais son coeur ayant notablement acceléré.
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Auprès du feu
RomanceMalgré son accession à une prestigieuse université, malgré son couple avec le garçon le plus en vue du campus, malgré le large groupe d'ami dont elle est au centre, au club de basket, il semble manquer quelque chose à la vie d'Hataru, comme un vide...