Couper le fil

98 12 3
                                    

Rin ne put retenir un soupire de soulagement en lisant les quelques mots que Hataru venait de lui envoyer. Elle s'y excusait de son comportement de la veille, et lui demandait si elles pouvaient se revoir le lendemain. Rin avait craint que leur pseudo-dispute n'ait été le début d'un traitement silencieux, d'une guerre froide dans laquelle chacune refusait ou craignait trop de faire le premier pas pour tenter de discuter, de recoller les morceaux. Mais Hataru avait prit le taureau par les cornes et envoyé un message alors qu'elles s'étaient quittées le matin même, un peu mal à l'aise. Peut être que Rin s'était faite des idées, au final, et qu'elle était montée sur ses grands chevaux pour peu de chose - cela lui ressemblait bien. Mais ça ne réglait pas non plus tous ses problèmes. Le fait que Hataru se sente le besoin de s'excuser, alors que Rin était celle qui avait haussé la voix, lui semblait être le monde à l'envers. Pourtant, dans son message de réponse, la présidente n'osa pas faire part de cette observation de sa part. Sa couardise prenait toujours le dessus. Et elle détestait cela.

Rin poussa un long soupire en enlevant son casque, le visage et les membres encore frigorifiés par sa pourtant courte course après avoir quitté la librairie. Elle avait besoin de se faire pardonner autrement. Les mots seuls ne suffisaient pas, après tout... et il lui fallait se détendre un peu. Quoi de mieux pour cela que d'organiser une nouvelle sortie avec Hataru? Là, loin des regards et des gens, elles pourraient discuter en paix, profiter l'une de l'autre, et peut être que, dans son élément, Rin se sentirait plus à l'aise d'évoquer les choses qui lui faisaient peur. Après tout, elle ne se sentait jamais aussi assurée que devant un feu de camp qu'elle avait elle même allumé. Abandonnant son scooter derrière elle, la présidente avança à pas rapides le long du bâtiment des clubs, dont la façade était parcellées des bouches noires béantes des fenêtres dont aucune lumière ne s'échappait. Il semblait ne pas y avoir un chat. Ce n'était pas très étonnant, en cette période où seuls restaient à l'université les étudiants attendant de passer leurs rattrapages la semaine suivante. Les autres étaient partis en stage, ou travaillaient pour payer leur semestre suivant, quand ils n'en profitaient pas pour tout simplement prendre des vacances prolongées et rentrer voir leur famille. Rin ne s'en plaignait pas, bien au contraire. Elle appréciait le silence et la sérénité d'un campus quasiment vide, profitait de cette tranquillité pour s'y promener, tester son matériel, cuisiner en plein air, sans se soucier de potentiels gêneurs. Et puis, elle n'avait pas à se soucier de croiser qui que ce soit, ou de se poser trop de question vis à vis de sa relation avec Hataru. Elle n'était en général que très peu au courant des rumeurs, mais elle se doutait que dès que la nouvelle de la rupture entre Hataru et Kazuto se répandrait, elle ne tarderait pas à être pointée du doigt. Après tout, quelques mois plus tôt, certains avaient déjà commencé à chuchoter que Kazuto était cocufié par sa petite amie, et que Rin était l'autre parti de cette petite affaire extra conjugale. A l'époque, Rin s'était figée en entendant cette accusation, et avait commencé à paniquer. C'était Kazuto qui avait réglé l'affaire en balayant la rumeur avec assurance. Mais, désormais, le jeune homme ne serait pas de leur côté... et, même s'il ignorait que Hataru et elle était désormais ensemble, Rin devrait sans doute faire face à ce genre d'accusation elle même, ce qui la terrifiait. 

L'idée de ne croiser personne alors qu'elle montait jusqu'à la salle du cercle était donc une bénédiction pour la jeune femme, qui craignait déjà la reprise des cours trois mois plus tard. Pourtant, quelle ne fut pas sa surprise lorsque, alors qu'elle approchait de l'escalier devant la mener au dernier étage, son casque sous le bras, une porte s'ouvrit brusquement devant elle, menaçant de venir s'écraser tout droit dans son nez. Rin eut un violent mouvement de recul pour tenter de sauvegarder l'intégrité physique de son visage, et, ce faisant, tomba sur son arrière train. 

-J'y vais, j'y vais, oui! S'exclama de son côté une voix bien connue de la présidente.

Mayuri referma la porte avec un soupire, avant de poser son regard sur Rin, en train de se relever péniblement. Les deux femmes se jaugèrent, silencieusement. Il faut bien dire que, même si Mayuri avait aidé Rin à se trouver un date quand elle essayait de détourner son esprit de Hataru, la relation entre les deux femmes restait pour le moins tendue.

Auprès du feuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant