Auprès du feu

Le vent se lève

Hataru descendit du bus, et souffla un coup. Elle ne s'était pas attendue à ce que ce soit une partie de plaisir, mais le poids de la tente prêtée par Rin, associé à celui de son sac à dos, avait rendu le voyage depuis son appartement quelque peu mouvementé. Heureusement pour elle, les transports en commun restaient peu remplis, en ce samedi matin, et en conséquence elle avait pu arriver jusqu'au terminus sans bloquer le passage avec son encombrant matériel. 

L'air était frais, comme c'était désormais la norme tous les jours, et le soleil pointait timidement le bout de son nez à l'est, au delà de l'océan que la jeune femme ne pouvait apercevoir de l'endroit où elle se trouvait. Hataru vérifia l'heure autant que la direction dans laquelle elle devait se rendre, et soupira. Elle était allée aussi loin que le réseau de transport en commun de Shizuoka le permettait, et pourtant sa destination était encore bien loin. La jeune femme s'étira longuement, comme elle l'avait appris durant sa carrière dans les clubs sportifs. Elle observa le paysage autour d'elle, mais à l'exception d'arbres dénudés et de la route sur laquelle le bus l'avait déposée, il n'y avait pour ainsi dire pas grand chose à voir. Sous un ciel qui prenait peu à peu sa couleur bleu, et dans lequel moutonnaient quelques nuages épars, Hataru se saisit de son encombrant équipement, le jeta en travers de son épaule, et se mit à marcher, non sans chantonner légèrement des paroles qui se perdirent dans sa solitude matinale. 

Les quelques kilomètres qui la séparaient du camping Tsuchimura furent rapidement avalées par le rythme rapide de marche qu'elle s'imposait inconsciemment. Comme les photos l'avaient indiqué, le lieu bordait une rivière peu large qui serpentait au milieu de la forêt, à proximité de la route et d'un pont qui enjambait le lit caillouteux du cours d'eau. Hataru hésita un court instant. Rin semblait ne pas encore être arrivée, et elle ignorait si elle devait l'attendre ou déjà aller à l'accueil récupérer leur emplacement. Il était tôt, plus tôt encore que la jeune femme n'avait imaginé arriver, et elle doutait donc que la présidente du cercle ne pointe le bout de son nez avant une heure au bas mot. Déterminée à ne pas poireauter pendant tout ce temps là sur le chemin de terre qui quittait la route pour mener au camping, Hataru se dirigea donc vers la petite cabane en bois qui semblait avoir vécu des jours meilleurs. L'appréhension se mélangeait à l'excitation; après tout, c'était la première fois que c'était elle qui avait réservé, et qu'elle allait également être celle qui allait aller à la rencontre du gérant. Elle poussa la porte avec assurance, et laissa son regard se promener sur l'intérieur rustique de la petite barraque, avec ses vieux carreaux légèrement fumés, ses rondins de bois rugueux, et son parquet grinçant. 

-Oh, bien le bonjour jeune fille. S'exclama un homme dans sa cinquantaine, qui venait de relever le regard de l'ordinateur sur lequel ils étaient fixés, derrière le comptoir. Vous êtes là de bien bonne heure!

-On dirait que j'ai un peu surestimé le temps de trajet en bus depuis Shizuoka. Admit-elle avec un grand sourire. 

-Vous devez avoir une marche rapide, surtout avec tout votre équipement! C'est pour un emplacement, j'imagine? A moins que vous ne fassiez votre footing avec une tente sur le dos pour le plaisir.

-Non, non, c'est pour un emplacement. J'ai une réservation, au nom de Tsukino.

-Aaah, je vois. Eh bien, mademoiselle Tsukino, si vous voulez bien me suivre, je vais vous montrer le lieu où planter votre belle tente, et vous faire un petit tour du propriétaire! Déclara l'homme en éteignant l'écran de son pc, et en se levant de sa chaise. 

Le vieil homme enfila un épais blouson qui pendait jusque là à un crochet fixé au mur. A peine fut il sorti, Hataru sur les talons, que ses lunettes rectangulaires commencèrent à se couvrir de buée. Il se gratta rapidement la barbe, grisonnante, avant de passer une main abimée par les ans dans sa chevelure dégarnie.