Contrecoup

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-Et il s'est juste cassé comme ça?

-Oui. 

-Genre il lâche un truc pareil, sort en claquant la porte, et c'est tout?

Hataru hocha la tête pour confirmer le propos. Miwa se laissa aller contre le dossier de sa chaise, à la cafétéria où les deux amies prenaient leur déjeuner du lundi. Elle avait l'air profondément surprise du récit que venait de lui faire la jeune femme aux cheveux roses de ses déboires de la veille.

-C'est pas la première fois que j'ai l'impression de le voir se comporter comme un enfant, et je préférais éviter de le dire à voix haute, mais là je vois pas d'autre option. Sans offense, bien sûr.

-Oh, tu peux y aller plus fort sur lui, ne t'en fais pas. Vu tous les noms d'oiseaux dont l'a affublé Lucie toute la soirée hier, plus rien ne peut me choquer. 

Miwa eut un léger sourire.

-Etrangement, ça ne m'étonne pas d'elle. Mais ça reste ton mec, je vais pas l'insulter devant toi. 

Hataru soupira.

-Après un coup pareil, j'en viens à me demander si il l'est encore.

Cette fois ci, Miwa fronça les sourcils, une expression concernée plaquée sur le visage.

-Eh, dis pas ça, ma belle. C'est pas la première fois que ça arrive, et vous vous en sortirez comme à chaque fois.

-Je sais pas... c'était différent de nos précédentes disputes. Jamais il avait été à ce point méchant.

-Et jamais il avait été à ce point de mauvaise humeur non plus. Fit remarquer son amie. Tu sais, mon mec n'a pas sa langue dans sa poche, et lorsqu'on se dispute, ça lui arrive régulièrement d'aller trop loin. Mais en général, il s'en rend toujours compte et ça le ronge de regrets, et il finit par venir s'excuser la queue entre les jambes. Je ne dis pas que Kazuto fonctionne pareil, évidemment, mais s'il a un semblant de bon sens et de maturité, il doit avoir conscience qu'il a déconné. 

-S'il en a conscience, alors il le cache plutôt bien. Je n'ai plus de nouvelle depuis hier. Enfin, pas que j'ai particulièrement essayé de le contacter non plus...

-Les hommes sont fiers, ma belle. Déclara Miwa. Et ils ont besoin d'apprendre à ravaler cette fierté pour admettre leurs erreurs. Pourquoi crois-tu que mon mec soit à ce point frustré du fait que je continue mes études, alors que lui travaille? Il est gêné à l'idée de gagner moins que moins au bout du compte. Mais il va devoir s'y faire, et même si ça prend du temps, il va lui falloir apprendre à mettre cette fierté de côté pour le bien de notre couple. C'est tout.

-Votre week end a l'air de s'être pas trop mal passé, on dirait. S'amusa Hataru. Tu n'arrêtes pas de parler de lui. 

-C'est l'impression que je donne? 

Le visage de Miwa sembla soudain beaucoup perdre en couleur, alors qu'elle laissa tomber sa tête sur son plateau avec un bruit sourd. Après plusieurs semaines de relations à distance tendue avec son petit ami, Miwa avait enfin réussi à le convaincre de venir passer le week end à Shizuoka - pour chercher un travail sur place, plutôt que pour participer au festival culturel. C'était, après tout, la principale source des tensions qui rendaient la jeune femme si triste. Hataru avait regretté de ne pas pouvoir voir le festival avec sa nouvelle amie, mais elle savait que cette recherche d'emploi était une étape importante - et elle avait ainsi pu se concentrer pleinement sur Rin. Il apparaissait cependant que les deux jours n'avaient pas été plus reposants pour Miwa qu'ils ne l'avaient été pour Hataru.

-Il a été infect. Déclara cette dernière. Tout le week end, du moment où il est descendu du train à celui où il y est remonté. Et que le voyage est trop long, et que c'est trop loin de sa famille, et qu'il connait personne, et que j'aurai dû étudier à Aomori, que c'est toujours lui qui doit se soumettre à mes plans, que la ville est moche, que j'ai pris du poids, qu'il n'aime pas la robe que j'ai choisie... 

Auprès du feuOù les histoires vivent. Découvrez maintenant