Auprès du feu

Campement rassurant

-I-i-il nous a vues! Il nous a vues!

-Calme toi, Rin! S'exclama Hataru, qui commençait malgré elle a également légèrement paniquer.

-Comment tu veux que je me calme! S'exclama Rin en tirant sur les mèches teintes de ses cheveux. Il va... il va le dire à tout le monde! Tout le monde va savoir que... que...

-Qu'on est ensemble? Termina Hataru, fixant Rin droit dans les yeux.

La présidente déglutit, et hocha la tête lentement, les lèvres pincées. 

-Je sais que ça te fait peur, mais ça se passera bien, je t'assure. Continua Hataru. Kazuto n'est pas une mauvaise personne, et je ne suis plus en couple avec lui. Il n'est pas le genre à aller crier ce genre de chose sur tous les toits. Et puis, même s'il le faisait... moi, ça ne me gêne pas que tout le monde soit au courant. Mais tant que tu ne seras pas prête, je continuerai de cacher notre relation, mais je t'assure que ça ne se passera pas mal. Que tout ira bien. D'accord?

Rin avait presque envie de la croire. Elle se contenta de hocher faiblement la tête.

-Allez... on rentre? Proposa sa petite amie en lui tendant la main. Je crois qu'on aura besoin de repos après une soirée comme celle là.

Rin prit la main de Hataru. Son cœur battait la chamade contre sa poitrine, elle avait les mains moites, et sentait ses yeux piquer. Sans Hataru qui la prit tendrement dans ses bras, en lui chuchotant des mots rassurants, elle aurait sûrement fondu en larme sur place, et ne serait plus retournée à l'université à la rentrée. Elle craignait bien trop une redite de ce qui lui était arrivé au lycée. Ce qui était stupide... elle en était parfaitement consciente. Elle n'était plus une gamine effrayée, inconsciente de la nature de sa sexualité, avec un crush à sens unique qui ne verrai jamais le jour. Elle était une adulte. Elle connaissait ses préférences. Et elle avait même la meilleure petite amie qui soit. Mais le noeud dans sa gorge ne parvenait pas à se dénouer pour autant. D'autant que Kazuto-senpai n'était pas n'importe qui, sur le campus. Il y avait plus d'une femme qui serait prête à prendre son parti quand il révélerait à tout le monde ce que Rin avait fait.

Car, finalement, ce n'était pas que une question de couple. Ce n'était pas que une question de timing, comme semblait le croire Hataru. Rin savait mieux que qui que ce soit qu'elles avaient franchi certaines limites très tôt. Bien avant que Hataru n'ait rompu avec Kazuto-senpai. Elle savait également que leurs disputes avaient débuté exactement lorsque les deux femmes s'étaient rencontrées. Comment Kazuto-senpai ne pourrait-il pas avoir de doutes? De suspicions? Toute cette histoire ne se contenterai pas d'être une question de nouvelle petite amie de Hataru. Si cela sortait, la question que tout le monde se poserait serait... depuis quand est-ce que tout cela dure? Est-ce que Hataru a trompé son mec? Est-ce que cette lesbo a volé la copine de l'homme le plus populaire des troisièmes années? Un frisson parcourut le dos de Rin. Tout simplement parce que cela lui rappelait difficilement le lycée. Là aussi, elle avait été accusée de quelque chose qu'elle ne pouvait pas vraiment nier. Elle était bel et bien lesbienne, après tout. Tout comme elle avait bel et bien volé Hataru à son étalon. Elle ne la rendrait pour rien au monde, bien évidemment, mais... quand les rumeurs viendraient inévitablement à surgir, elle savait qu'il lui serait difficile de les ignorer ou de les réfuter, tout en sachant qu'elle avait bel et bien embrassé Hataru quand elle sortait encore avec Kazuto-senpai. Qu'elle était bel et bien une briseuse de couple. Un nouveau frisson la prit, suffisamment fort pour que Hataru, qui tenait toujours sa main, s'en rende compte. 

-Rin... murmura-t-elle en s'approchant d'elle. Je te promets que tout ira bien. J'irai parler à Kazuto, si ça peut te rassurer.

Rin détesta se sentir rassurée à cette idée. Mais hocha tout de même la tête silencieusement, tandis que Hataru l'entraina, sa main chaude tenant fermement la sienne, au travers du campus vide, froid, et obscur. Bientôt, la lueur de la rue apparut au loin, au travers des arbres encore dénudés qui peuplaient par myriade le parc de l'université. Rin sentit Hataru accélérer le pas.