Chapitre 6

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 — Madani, tu fous quoi ?, demande la grande sœur à sa jumelle.

— Quoi !? Ça ne fait pas de mal à ce que je sache, répond la petite sœur à sa jumelle dans un sourire tout à fait espiègle.

Nephtalie reconnaît bien là sa sœur, l'incorrigible petite fouine qui aime espionner les gens.

— Tu sais que si Esperanza l'apprend, tu seras virée, rappelle la grande sœur.

— Oui, mais elle n'en fera rien, répond la petite sœur toute confiante.

— Ah bon ? Et pourquoi ?

— Parce que je lui suis indispensable, répond la petite sœur en donnant un téléphone à sa jumelle.

Curieuse, la grande sœur prend le téléphone. Elle est tout à fait choquée par ce qu'elle y voit la seconde d'après.

À l'écran du téléphone s'affiche l'image d'un homme endormi dans une chambre d'hôtel.

— Elle t'a vraiment demandé de surveiller Alonzo ?, demande Nephtalie un peu perdu.

— Et oui !, affirme la petite sœur toute souriante. Elle ne peut pas me virer, sans quoi, elle n'aura plus aucune nouvelle de son fils chéri...

Nephtalie est abasourdie. Sa sœur est aussi maligne que diabolique.

— Si j'ai tout bon, tu te sers de son fils comme monnaie d'échange. Elle te laisse faire tes petites combines, et en retour, tu la tiens informer des actions de son fils...

— Exactement !, confie Madani toute souriante.

Elle a beau avoir l'âge de se marier, son sourire reste toujours aussi enfantin. Pour ainsi dire, la jeune femme n'a pas grandi. Dans sa tête tout du moins. Tout est un jeu, une occasion de rire, une perle de joie. Cette douce innocence la définit, mais aussi, elle l'entrave. En prendra-t-elle conscience un de ces jours ?

Nephtalie croit que non, et ça ne la dérange pas plus que ça. Elle aime sa sœur comme elle est, même si elle a une manière bien courroucée de le montrer.

— Je vois... mais je ne crois pas qu'espionner notre patron fait aussi partie de votre deal. Je me trompe ?

Au même moment, le sourire de Madani s'efface. La femme est aussi sérieuse qu'un lion prêt à dévorer sa proie.

— Ça, c'est pour autre chose, confie la jeune femme en tournant la tête vers son moniteur.

Elle seule sait ce qu'elle cherche. Mais à en croire les traits de son visage, on comprend facilement que la chose est sérieuse.

— Madani...

— T'inquiète. Ce n'est pas pour ce que tu crois, répond la jeune femme dans un mensonge tout à fait sonore.

Il n'échappe pas le moins du monde à sa grande sœur.

Comme j'aimerais te croire..., dit-elle dans un coin de sa pensée.

— Je viens d'envoyer l'article à Esperanza, informe Madani.

— L'article sur les ondes gravitationnelles ?

— Ouais.

Nephtalie n'en croit pas ses oreilles.

— Pourquoi t'as fait ça ?, commence la jeune femme en s'installant à son poste de travail. On n'est même pas sûre de rien Madani !, poursuit la jeune femme.

— Oups !, dit Madani toute amusée par la scène. Désolée, mais il est déjà arrivé sur le portable d'Esperanza, informe la petite sœur. Elle en parle justement, ajoute-t-elle.

— Tu me le paieras Madani... mets moi sur haut-parleur, ordonne la grande sœur.

— Oh, mais que vois-je ? On veut espionner notre patron maintenant ?, dit Madani toute amusée.

Nephtalie la regarde avec un air contrarié, mais aussi comme une personne qui voudrait bien lui donner la claque de sa vie.

— Ça va, ne t'énerve pas. Je plaisante, ajoute la jeune femme en s'exécutant.

Au même instant, la voix d'Esperanza se fait entendre dans leur chambre. Alignées aux images du moniteur, les sœurs Al Karima ont une bonne retransmission de ce qui se passe dans la chambre de leur grand patron Vicente Damnatio en temps réel.

Des ondes gravitationnelles, je crois..., dit la vieille femme, ne comprenant pas ce qu'elle lit.

Des ondes gravitationnelles ? Mais c'est impossible !, s'exclame Vicente avec vigueur. Demande à Nephtalie vérifier l'info !, ajoute-t-il.

L'homme est alité. Victime d'une maladie dégénérative au début de la quarantaine, son corps s'est rapidement détérioré au point qu'il ne peut plus vraiment marcher. C'est une image qui choque toujours Nephtalie quand elle la voit. Son regard, qui, la plupart du temps est amer et froid, s'enveloppe bizarrement d'une profonde empathie pour cet homme qu'elle considère comme un grand ami.

C'est un sentiment que Madani ne partage pas. De son point de vue, cet homme lui a volé sa sœur. Il est vrai qu'elle ne sait pas encore toute l'histoire, et qu'elle a promis à sa sœur qu'elle attendrait qu'elle soit prête pour la lui raconter, et qu'en conséquence, elle ne chercherait plus à savoir pendant ce laps de temps, mais elle ne peut s'empêcher de considérer cet homme malade comme une menace.

Après tout, c'est depuis son apparition que sa sœur à changer. S'il n'en est pas la cause, il doit forcément la connaître. C'est là tout le fond de sa pensée.

— Et merde... Maintenant, il va me poser des questions... Mais pourquoi t'as fait ça Madani !?, dit la grande sœur toute embêtée à sa jumelle.

— Bah quoi ? Il allait être au courant un de ses jours de toute façon. Je n'ai fait que précipiter la chose, ajoute la petite sœur.

— Ouais. C'est ça le problème Madani. À cause de ta petite prestation, il va falloir que je rattrape le coup !, répond la grande sœur toute embêtée par la tâche à venir.

C'est une chose bien hilarante de voir sa sœur s'agiter de la sorte.

D'habitude, Nephtalie est la dernière à paniquer. Peu importe l'urgence, elle garde la tête froide, et ne laisse jamais rien influencer ses choix. Mais là, sa sœur l'a prise par surprise. Elle va devoir improviser. Dieu sait qu'elle déteste ça.

Elle l'a déjà fait, monsieur, répond la gouvernante affichée à l'écran. Les ondes ont été enregistrées à trois reprises, monsieur, depuis le 16 septembre dernier, monsieur, ajoute-t-elle.

— Ça va être à toi bientôt sœurette, informe la petite sœur.

— J'ai remarqué, oui..., répond une Nephtalie tout à fait agacée.

— Cool. Ça te dit que je t'affiche à l'écran de sa chambre ? Ça fera une entrée tout à fait dramatique digne d'un film d'agent secret !, dit la petite sœur toute excitée.

Nephtalie est abasourdie.

— As-tu vraiment fait tout ça pour ça Madani ?, demande la grande sœur toute dégoûtée que sa petite sœur l'ait encore une fois entraîné dans un de ses scenario enfantins.

L'étincelle dans les yeux de Madani répond d'elle-même. Elle ne pouvait rêver de réponse plus claire.

— Il faut vraiment que tu grandisses, tu le sais ça..., dit la grande sœur en se préparant pour son « interprétation ».

— Alors, tu vas le faire ?, demande la petite sœur comme une gosse de 8 ans.

— Ferme-la, et mets-moi à l'écran, qu'on en finisse, répond la grande sœur en se faisant à l'idée que sa petite sœur l'a piégé une fois encore.

L'excitation de Madani est à son comble.

Depuis le 16 septembre dernier ? Depuis mercredi !? Mais pourquoi ce n'est que maintenant qu'elle nous en parle ?, demande Vicente tout à fait choqué.

Ces mots sont le signal que Madani attendant. À cet instant, elle sait ce qu'elle doit faire, et d'un clin d'œil, elle le fait.  

L'Alignement des TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant