Chapitre 23

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 Pourquoi refuse-t-il la seule opportunité qu'ils ont, après tous ces efforts ? C'est la question qu'ils se posent tous en ce moment, tous sauf Silva. Pour lui la question est différente. À cet instant, il se demande quoi faire de sa vie. Que doit-il suivre ? Le souhait d'Anton ? Ou sa propre volonté ?

Cela fait des années qu'il n'a pas remis en question un seul ordre d'Anton. Bien sûr, il a déjà tenu tête à son patron, mais au fond il avait toujours l'intention de s'exécuter si si c'est vraiment ce qu'Anton voulait. Il aurait fait des choses qu'il déteste si Anton lui en avait donné l'ordre formel.

Mais à cet instant, Silva se demande si c'est ainsi qu'il veut que sa vie soit utilisé. Va-t-il le laisser gâcher la vie pour laquelle il s'est sacrifié, des années auparavant ?

Un peu plus de 3 ans plus tôt.

La météo a menti. Il ne fait pas bon aujourd'hui. Ou peut-être que l'homme n'avait pas bien compris le bulletin d'information de la veille. Dur de savoir... Une chose est certaine, il y avait méprise d'un côté ou de l'autre.

Malheureusement, l'homme s'en est rendu compte un peu tard, car, il est déjà dehors en short avec une chemise de plage, tout à fait à l'opposé du parapluie et du manteau.

— Putain ! Dans quoi je me suis encore fourré moi !, exprime l'homme vulgairement dans un portugais que seul lui comprend.

Trouvant refuge dans un restaurant, l'homme est coincé à Dresde. La pluie l'a pris par surprise, un peu comme le regard de tous les allemands qu'il a croisé depuis son arrivée.

Il faut croire que sa couleur de peau n'est pas vraiment tendance dans la région.

— Sales Nazis..., laisse-t-il échapper sans prendre en considération que son entourage comprendrait le mot « Nazi » peu importe dans quelle langue ils l'entendaient.

Leur regard qu'il porte au brésilien n'est pas un regard haineux, mais ça se voit qu'ils se sentent tous profondément blessé par ce propos.

— Vous voulez ma photo en plus ?, ajoute l'homme totalement inconscient de son erreur.

C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase. Sans perdre de temps, les responsables escortent le bon monsieur dehors là où est la place de tous les malotrus dans son genre.

— Komm nicht zurück !, lui dit-on au moment de le mettre à la porte.

— Ouais c'est ça... Allez-vous faire foutre oui !, répond l'homme dans un portugais tout à fait grossier, ne prenant toujours pas conscience de ce qu'il a fait.

Ce n'est que quand la pluie l'accueille pour la seconde fois que le brésilien remarque alors qu'il y a une Étoile de David près de l'enseigne du restaurant. Autrement dit, il venait de traiter un restaurateur juif de Nazi.

— Et merde..., fait-il voyant l'énormité de sa bêtise.

Acceptant son sort bien mérité, l'homme ne resta pas une seconde de plus en face de la vitrine du restaurant, ce qui rassura grandement le restaurateur.

Cet homme n'est pas commode. Tous ceux qui le croisait pensait pareil. Que ce soit chez lui, à Curitiba, ou ici, dans les rues noyées de Dresde, l'homme reste une anomalie.

Il est vrai que sa carrure remarquable lui donne un air redoutable et dangereux, mais c'est plus son regard qui fait défaut.

Peu importe l'humeur qui l'habite, ses yeux semblent possédés par un torrent de rage, comme un chien de chasse que l'on a affamé pendant beaucoup trop longtemps. Ce n'est qu'une question de temps avant qu'il explose. C'est ce que pensent tous ceux qui l'ont rencontré.

L'Alignement des TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant