Chapitre 41

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 Malgré les efforts acharnés de l'équipe de réanimation, Matilde Bauer s'éteint le 18 octobre 2081 à 14 heures 37. Son jeune corps, fragilisé par la progression de la maladie, n'a malheureusement pas supporté l'anesthésie. Anton, accompagné de son ami Silva, prend en charge le corps de sa fille hors du laboratoire.

Au moins cette fois, j'étais à ses côtés à la fin... Telle est la pensée qui lui traverse l'esprit, alors qu'il recouvre le visage froid de sa fille.

A-t-il déjà accepté la situation ? Sûrement pas. Les trois années passées sans elle l'ont peut-être quelque peu préparé à ce dénouement. Pourtant, il est encore loin d'être capable de faire son deuil. Pour lui aussi, les dernières heures, les derniers jours même, ont été intense, et son cerveau peine à suivre le rythme.

Alors que les Villard et Nephtalie étaient sur le chemin du retour, la nouvelle tragique a été divulguée par Alonzo. Les sourires nourris par cette journée de retrouvailles se sont rapidement inversés. Des larmes ont coulées sur les joues de la jeune jumelle. Nathalia, qui se trouvait sur la place voisine, a essayée d'apaiser du mieux qu'elle pouvait sa triste tante.

À contrecœur, les enfants Villard ont dû les laisser et retourner chez eux. Ils ont chacun une famille qui les attends à la maison.

Les heures passent sans qu'Anton ni Silva ne reviennent au laboratoire. À côté de la salle d'opération temporaire de Vicente, Yeon De et son vieil ami sont resté patiemment là. Ils ont été rejoint, en fin d'après-midi, par Nephtalie soutenue par le couple Villard.

À son réveil, Vicente n'est alors accueilli que par ces cinq personnes. Ce qui le fait se questionner en premier lieu sur l'état de Matilde. L'annonce du décès de sa compagne de route semble l'avoir attristé à un degré plus élevé que le succès de son opération ne l'a ravi. D'autant plus qu'il ne réalise pas forcément qu'il sera bientôt de nouveau capable de marcher, courir, sauter et vivre. C'est comme s'il culpabilise d'avoir survécu, ce qui est absolument absurde. Mais bon, Vicente est comme il est.

3 jours plus tard.

Le froid est aussi réconfortant que le silence. C'est un cimetière où reposent les vivants. Depuis la mort de sa fille, Anton y passe le plus clair de son temps. Il vit l'enfer sans se plaindre, comme le grand garçon qu'il est. Réfugier dans sa maison à Dresde, l'homme peine à reconnaître le monde et vice versa.

L'arbre sous lequel la dépouille de sa femme est enterrée n'est plus là, mais avec l'aide de la société des Damnatio, et de la bienveillance d'Esperanza et de son fils, le terrain a toujours été entretenu, et un autre arbre est venu remplacer les racines de l'ancien. Tout est presque comme il l'a laissé, à la différence que ce nouvel arbre n'a pas les initiales de sa femme.

L'homme se dit que ce n'est pas grave. Ils ne pouvaient pas prêter attention à tous les détails. Avec l'entretien du terrain, ils en ont fait beaucoup. Il ne peut donc pas leur en vouloir.

De son canif, l'homme inscrit les initiales de sa femme, et à côté du grand arbre, l'homme place la jeune pousse qu'il vient d'acheter. Ce nouveau compagnon représente le corps de sa fille. C'est là sa tombe.

« La vie est à la mort, ce que l'amer est au sucré : un opposé sacré qui lui donne toute sa saveur », sa défunte femme lui a lu cette phrase un jour, mais ce n'est qu'aujourd'hui qu'Anton en comprend le sens. Malheureusement, ça ne le réconforte nullement.

Sa peine est insondable. Le vide qui ronge son cœur est infini. Sa vie a perdu de sa saveur sans même qu'il n'ait goûté à la mort... C'est là, une bien triste existence qu'il mène.

Compte-t-il la changer ? Ça, personne ne le sait, car, il n'y a personne pour chercher à le savoir. Seul, dans un monde qui n'est plus le sien, tout lui est égal. La contradiction de leurs époques s'entrechoque et s'annule. Aucune ne représente un quelconque intérêt pour le grand blond aux yeux bleus.

L'Alignement des TempsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant