L'Alignement des Temps

Chapitre 17

 L'homme qui n'aimait pas l'attrait de la boisson voyait en elle une source de paix, et une caresse rassurante. Et donc, il en est là.

L'homme a vraiment une allure pitoyable parmi les gens de son âge. Étrangement, ceci lui fait penser à son ami Marc.

— S'il était là, je suis sûr qu'il ferait tout pour me trouver une personne avec qui passer la nuit..., dit l'homme tout à fait éméché sur le comptoir du bar en sortant son téléphone.

Va-t-il appeler Marc ? Pas la peine. Ce dernier lui a déjà envoyé près d'une vingtaine de messages expliquant comment il avait trouvé l'amour après son départ du restaurant. Comme quoi, il ne lui en voulait pas le moins du monde, l'avoir laissé en plan, car ça lui permit de rencontrer « l'amour de sa vie ».

La nouvelle est pour le moins choquante. Jamais il n'aurait pensé que son ami aurait franchi ce cap avant lui. Il n'est pas fâché, mais perdu. La chose lui fait réfléchir.

Poursuit-il vraiment la science, ou fait-il la chasse à une chimère qui n'existe pas ? L'homme n'a pas les idées claires, mais sa question reste légitime.

Qu'est-il en train de faire de sa vie ?

Sur le chemin du retour, comme face à la machine, la réponse est nulle. L'homme ne voit rien qui mérite d'être cité. En somme, il n'a rien accompli du tout. Il n'a pas révolutionné le monde de la science. Il a juste perdu son temps.

C'est à ce moment qu'il a accepté que la réponse du passé ne viendra jamais. L'homme s'est fait une raison.

Maintenant, que va-t-il faire ensuite ? Retourner picoler ou se donner le bon coup de fouet qu'il mérite ? Des deux, l'homme choisit le fouet. Il en a besoin pour se décrasser l'esprit. Après tout, on est le 24 septembre et les cours reprendront le 26. Oui, sa dépression est si sévère qu'il en a oublier qu'il est professeur à l'université de Grenoble. C'est là, moins de raison qu'il n'en faut pour se donner une bonne claque pour se réveiller.

Mais je fais quoi avec ça ?, se demande-t-il en regardant la bouteille qu'il tient à la main.

Va-t-il la finir, ou la laissera-t-il flâner tout autour de son petit atelier ?

L'homme est peut-être saoul, mais sa résolution n'en est pas moins ferme. L'homme veut vraiment sortir du bourbier qu'il s'est creusé pour lui-même. En ce sens, cacher la bouteille ne sera pas la solution. Il lui faut quelque chose qui soit plus symbolique, assez pour qu'il s'en souvienne une fois sa gueule de bois passée.

Où le trouvera-t-il ce symbole ?

— Toi... c'est à cause de toi si je suis dans un état pareil..., commence-t-il en levant un doigt accusateur vers sa machine qui ne lui a jamais rien demandé. Tout ça... tout... ce bordel... c'est ta faute !, finit-il par crier à plein poumon.

Son geste est plein de rage. Mais la machine n'est pas effrayée pour autant. Majestueusement installée dans son coin, la machine la regarde de haut, du moins, c'est comme ça qu'il l'imagine.

Dès lors, lui vient une idée : il a trouvé son symbole.

— C'est toi qui m'as rendu saoul... ce serait bête que je ne te fasse pas goûter à ton poison !, dit-il en avançant méchamment vers la machine pourtant innocente.

Avec fracas, il ouvre sa porte, pénètre dans sa capsule, et y dépose sa bouteille.

« Confirmez-vous l'envoi à cette date : 24/09/2026, 13 h 49 min 43 sec UTC + 01 :00 ? », lui demande la machine douteuse de son aventure.

— Un peu oui que je suis sûr de vouloir t'enfoncer cette bouteille si profondément qu'elle n'en ressortira que dans 1000 ans !, dit-il en ignorant qu'à la réalité, il n'envoie la bouteille que 5 minutes dans le futur.