« Gabriel, déclara Aëla d'une voix froide.
Dans le tumulte, quelques passants lancèrent des regards indiscrets, certains des œillades inamicales, d'autres firent le signe de la croix. Les murmures et autres messes-basses n'échappèrent pas à Aëla. Elle avait certes l'habitude de ces regards mais cela la révoltait à chaque fois.
Hargneusement, elle se coiffa de son capuchon noir. Elle ne pouvait se permettre de faire une scène. Pour Paul, elle devait être discrète.
« Je n'ai aucunement l'intention de me battre au milieu d'une rue avec toi, Gabriel. Aurais-tu l'amabilité de me rendre cet objet ?
–Aëla, Gabriel inclina sa tête vers elle. Ses lèvres n'étaient plus qu'à quelques millimètres. Je n'ai aucunement l'intention de te le rendre à moins que tu te battes ou que tu me dises qui est ce Paul ? Est-ce ton ami ? »
Le sous-entendu qu'il employait agaçait la jeune femme. Pour qui se prenait-il ? Il était revenu depuis que quelques heures mais jouait déjà au grand protecteur. Reculant d'un pas, Gabriel jongla espièglement avec la besace d'Aëla. Besace dont elle avait désespérément besoin pour aider ses patients.
–Tu es manifestement devenu sourd, siffla-t-elle.
–Règle n°1, personne ne peut se dérober à un défi.
–Ne sois pas ridicule ! Nous ne sommes plus des enfants, Gabriel. Contrairement à toi, j'ai grandi.
Le beau blond porta sa main vers le cœur.
– ô crois-moi, s'en amusa-t-il, cela ne m'a pas échap-
–Otez-vous de mon chemin ! Qu'fait cet idiot ! Vois pa'qu'il gêne, maugréait un vieux. Ces jeunes, j'vous jure ! Ils s'croient tout permis ! »
Pendant que Gabriel bredouilla des excuses, Aëla scruta autour d'elle. Ses lèvres s'étirèrent en un sourire rusé. Elle frappa d'un coup de pied une fourche qui jonchait sur la chaussée. De la main droite, elle se saisit du manche en bois. Dans l'élan, elle s'accroupit et frappa les chevilles de Gabriel, avec la fourche. Le jeune homme perdit l'équilibre et se trouva au sol. Les dents de la fourche chatouillaient la gorge de Gabriel, visiblement surpris.
« Je ne suis plus cette Aëla-là. Maintenant la besace.
Le jeune homme désarçonné lui lança le petit sac.
« Conseil, tu ne m'connais plus. Est-ce donc tout ce que l'on t'a appris là-bas ? Tu aurais dû plus attentif. » poursuivit-elle avec dédain en lâchant la fourche.
La tête de Gabriel retomba lourdement sur les gravats. Il regarda les nuages de plus en plus sombres défilés au gré du vent, puis il ferma les yeux et soupira. Les paroles d'Aëla résonnaient en boucle.
Tu ne m'connais plus.
Discrètement, il caressa le bouton de cape caché dans sa poche. Des bouts de ses doigts, il frôlait ses contours irréguliers et rugueux. Puis, il sentit les empreintes deux lettres gravées.
Des éclats de rires et des sifflements le tirèrent de ses pensées.
« Elle n't'a pas raté ! T'a-t-on rien appris chez l'école des Mousquetaires ?
– Rends-toi utile au lieu de te bidonner ! » proposa Gabriel au rouquin derrière la bâtisse.
Anselme le regarda d'un mauvais air, celui prêt à faire un mauvais coup.
« Certainement pas. Tu t'débrouilles tout seul, m'vieux. »
Que diable s'était-il passé durant son absence ? songea Gabriel en se relevant.
Tu ne m'connais pas. Les paroles d'Aëla resonnaient toujours dans un coin de sa tête.
Gabriel s'attendait à tout sauf à des retrouvailles aussi glaciales. Ses correspondances sans réponse depuis des mois, sa fuite hier, la dispute avec Jeanne, et voilà qu'aujourd'hui elle le traite comme un parfait étranger. Tout ceci lui paraissait étonnant. Que pouvait-elle bien lui cacher ?
Par chance, il avait en face de lui. Anselme. Et, Gabriel voulait des réponses.
« Allez viens, lança-t-il au petit garnement, je t'offre un repas à la Taverne. »
Anselme détourna son regard du jeune homme et fit mine d'avancer, désintéressé.
« Tu pourras accompagner Pénélope à la foire de Saint-Germain. » hurla-t-il en sa direction.
Sans tergiverser, les oreilles un brin rougies, Anselme changea de direction et suivit le fils du Berry.
**** ***
Fin de la second partie du chapitre 20
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Aëla - La Légende de la Princesse De Moret
Fiksi SejarahAu printemps 1680, les journaux relayent un mystérieux phénomène. A Paris, un mystérieux bandit masqué, armé de son arc, vole les riches pour donner aux pauvres. Rapidement, la fièvre du Robin des Bois français gagne les petits gens asphyxiés par le...