Chapitre 18 - (3/3)

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Ces quelques mots qu'il prononçait avaient suffi à Aëla pour qu'elle oublie le monde autour d'elle. Les voix, le bruit des craquements des escaliers sous le poids de Joseph, les crissements du banc, le bruissement du vent et le claquement de la porte n'étaient plus que des échos lointains, presque sourds.

Brutalement, le décor de la taverne s'estompa. Tout s'évanouissait autour d'elle alors que son cœur se mouvait. Ses prunelles vertes s'agrandirent de stupeur. La bougie vacilla et ses doigts se cramponnèrent sur le chandelier. Aëla n'en croyait pas ses yeux.

Elle ne voyait que lui.

Lui. Et son sourire éclatant.

Il déposa avec ce sourire si éclatant, si habituel qui nouait le ventre d'Aëla, son sac de toile à côté près de ses bottes souples au cuir tanné, limées aux plis.

Lui. Il se tenait devant elle, comme un mirage d'une oasis dans un désert.

Sous cette douce lumière, il avait le même air qu'une vieille mélodie que l'on fredonnait aux portes du cœur de la cavalière* jeune femme, le réchauffant douloureusement.

Au rythme de ses pas assurés, le collier qu'elle lui avait offert quelques semaines avant son départ, ornait son gilet en coton et dansait au milieu de sa poitrine.

Elle n'osait cligner des paupières de peur que cette illusion disparût la seconde d'après, comme dans ses innombrables rêves.

Pendant qu'il avançait lentement vers elle, sa respiration se saccada et la peur l'assaillit. Elle sentait les larmes montèrent, troublant sa vue. Ses prunelles pétillèrent d'un éclat merveilleux.

Il se dégageait de l'homme une beauté simple et masculine qui charmait tout être. Il émanait de lui une assurance, une autorité naturelle et une détermination qui se transformaient en une aura si puissante qu'elle attirait inexorablement n'importe quelle âme autour de lui.

Sans voix, Aëla détailla l'homme dont la pluie avait creusé de sillons bruns dans la chevelure blonde. Il avait la même petite fossette qui creusait sa joue droite lorsqu'il souriait, la même lueur, la petite étincelle, dans ses yeux bruns aux strates ambrées.

Pourtant, il semblait si différent, plus féroce.

De près, du haut de son un mètre quatre-vingt-huit, il était encore plus musculeux et impressionnant et, elle se sentait si ridiculement petite, voire insignifiante.

Les cinq années qui s'étaient écoulées, avaient fini par transformer l'adolescent en homme endurci. Ses épaules s'étaient élargies par des années d'entraînement, son torse développé. Ses traits réguliers avaient la même joliesse que ceux de Pénélope, si sa mâchoire carrée et ses pommettes saillantes n'effaçaient pas les délicatesses et la rondeur du visage de sa sœur. Sa peau avait ce voile d'un soir d'été, mettant en valeur ses poils blondis par le soleil du Sud.

Alors qu'il s'approcha, Aëla suffoquait. Son cœur s'emballa incontrôlable, chaloupa, se fracassa violemment. Les débris se transformèrent en des milliers papillons multicolores qui lui chatouillaient son ventre, pour son plus grand malheur. Tous les sentiments qu'elle pensait avoir gommés, scellés à jamais se retournèrent contre elle et remontaient à la surface.

Il lui avait tant manqué. Mais un poids la retenait, la tétanisait et l'empêchait d'aller vers lui.
Elle recula farouche d'un pas, puis de deux jusqu'à se coller contre Volupia dont son visage s'animait par un intérêt vif. Il rendait son impulsive amie fébrile. La charmeuse de la taverne plissa félinement ses yeux, s'interrogeant sur l'identité de cet homme.

« Gabriel ! » s'écria Pénélope, toute ravie et émue par ses retrouvailles soudaines.

Gabriel de Berry détourna d'une fraction de secondes son regard de celui d'Aëla, surpris par la voix de sa sœur. Cette dernière s'élança et se jeta dans les bras de son frère, matérialisant le mur invisible qui s'était dressé entre les deux jeunes adultes. Dans l'étreinte, il enlaça sa sœur de ses grandes mains masculines, musclées où quelques veines apparaissaient.

Aëla - La Légende de la Princesse De MoretOù les histoires vivent. Découvrez maintenant