Ses jambes la portaient à peine, mais elle ne voulait pas prendre le risque qu'ils la retrouvent.
Les limites de la Cour des Miracles étaient les limites de Louison. Son terrain de jeu était les rues boueuses et sales, où se mêlaient la désolation, la détresse et la légèreté. Au-delà de ces limites impalpables, elle ne connaissait rien. Louison avait toujours pensé qu'elle mourrait là où elle était née. Elle deviendrait une matrone comme sa mère. Naître, vivre et périr à la Cour des Miracles : tel était son destin.
Elle courrait et prenait des détours dont elle, seule, en avait le secret. Elle fuyait la Cour. Elle ne pouvait plus mettre un pied là-bas ; pas après ce qu'elle avait fait.
Effrayée, ses enjambées raisonnaient sur le sentier. À travers chaque respiration, elle percevait les grognements sauvages derrière elle.
Combien étaient-ils ? Étaient-ils loin ?
La fillette fuyait tout ce qu'elle connaissait. Surtout, elle les fuyait eux.
La fillette accélérait la cadence, le souffle saccadé. Elle ne devait rien lâcher. Elle ne voyait rien. Ses foulées étaient de plus en plus lourdes. Louison était épuisée. Elle prit sa gauche et glissa sur ce qui s'apparaîtrait à de la boue.
Dans les ténèbres profondes, des hurlements à peine humains derrière elle l'alarmèrent. Le sang de Louison ne fit qu'un tour. La chair de poule parcourait tout son être. Ils n'épargnaient rien. Ils n'épargnaient personne. L'enfant se dépêcha de se relever et continua sa course.
Qui pouvait se préoccuper du sort d'une fillette parmi tant d'autres ?
Le vent soufflait de plus en plus fort. Même si Louison était au bord de l'évanouissement, la peur qui lui grignotait le ventre, lui ordonnait d'avancer coûte que coûte. Avait-elle une échappatoire ? Elle entendait les souffles haletants de ces charognes affamées de plus en plus pressants.
Son fragile pied se coinça sur les joints du pavé irrégulier. Elle trébucha sur ses mains et ses genoux. Un piaulement presqu'inaudible s'écrasa sur le bord de ses lèvres craquelées. Ses guenilles se déchirent sous l'impact. Des larmes de peur s'écrasèrent quelques centimètres plus bas sur le sol. Elles se mêlèrent aux gouttes de sang. Louison tremblait. Pendant qu'elle regardait le dais sombre, elle espérait que des étoiles filantes transpercent le ciel. Louison aurait pu faire un vœu.
Elle était terrifiée, esseulée. Son pouls battait dans chaque parcelle de son maigre corps. Ses doigts lui picotaient. Elle se cramponnait aux pierres irrégulières. Ses pieds glissèrent sur les rudérations. Les petits cailloux appâtèrent les molosses qui la poursuivaient. La terre s'immisça sous les ongles qui grattaient.
Malgré les blessures qui la brûlaient, il fallait qu'elle se relevât vite avant que l'odeur du sang ne les conduise à elle. Des sourds cris inhumains interrompirent la torpeur morbide dans laquelle était plongée la fillette.
L'adrénaline commanda son corps. Elle tentait de se lever, mais finissait toujours à genoux. Elle puisait des forces poussant son maigre corps dans ses derniers retranchements. Elle était sur le point d'y arriver. Hélas, il était trop tard.
Ils étaient là.
Terrifiée, elle se battait véhément. Elle se sentait glisser sur le sol. Ses mains s'accrochèrent de toutes ses forces à chaque pavé, cependant elle n'y arrivait pas. Elle agitait les pieds tout en rampant en arrière.
Épouvantée, Louison se retournait lentement. Un haut-le-cœur l'empêchait d'émettre le moindre son. L'animal faramineux tirait et mâchouillait le bas de sa guenille.
VOUS LISEZ
Aëla - La Légende de la Princesse De Moret
Historical FictionAu printemps 1680, les journaux relayent un mystérieux phénomène. A Paris, un mystérieux bandit masqué, armé de son arc, vole les riches pour donner aux pauvres. Rapidement, la fièvre du Robin des Bois français gagne les petits gens asphyxiés par le...