Aëla s'enfonça dans le dédale de ruelles. Elle finit par tomber sur une lugubre et étroite artère où résonnaient les croassements des grands corbeaux aux plumes noires, perchés sur les toits de chaume.
Son poing tenait fermement la figurine en bois que Bellevue avait habillement glissé dans sa paume. Une petite voix dans sa tête la culpabilisait un peu mais rapidement chassée par la curiosité. Pourquoi avait-il l'air si inquiet ? Pourquoi lui avait-il fait un totem ? Que trouverait-elle donc ? Elle, qui pensait connaître la Cour des Miracles, comment se faisait-il qu'elle n'y avait jamais été ?
Un craquement sous son pied retint son attention. Elle baissa les yeux pour découvrir qu'elle avait marché sur un petit os parmi tant d'autres qui jonchaient le sol. Son sang se glaça.
Où était-elle tombée ?
Aëla sursauta aux braillements déchirants qui faisaient écho dans la ruelle glaciale où le soleil ne pénétrait pas. Le totem du cagoux tomba à terre.
Calme-toi, Aëla. Ce n'est qu'un enfant qui pleure, se rassura-t-elle en ramassant la figurine.
En se relevant, la jeune femme distingua des étranges traces couvrant les graffitis sur les murs sales en pierre. Avec prudence, la jeune femme toucha le mur puis elle constata avec effroi qu'il était couvert de sang, encore humide et frais. Elle s'empressa de s'essuyer ses doigts rapidement sur son jupon.
Aëla regretta pendant un court instant de ne pas avoir écouté sa jument qui s'était agitée subitement ou le chef de la bande la plus respectée de la Cour. Cependant, ce n'était pas le moment de regretter. Elle ravala sa peur et sortit un petit couteau caché dans son caban, déterminée à débusquer le redoutable Berbère afin de trouver les réponses à toutes ses interrogations.
Une odeur aigre du sang en putréfaction happât sa gorge. Aëla passa devant une mère aussi maigrelette que l'enfant qu'elle portait sur son bras. Une fillette en haillons sur le seuil de la porte tendait un objet alors qu'une autre enfant serrait la jambe de sa mère.
« Grinte* (personne avec un physique peu avantageux) ! Et, que veux-tu que je fasse avec ça? »
La mère de famille colla une violente gifle provoquant les pleurs du marmot.
« J'aurais dû te solir* (vendre) plus tôt. Ne reviens pas ou tu pionceras dans la trime (rue) avec les loups et les cabes (chiens) ! »
Aëla, peinée, regarda la fillette aux jambes extrêmement fines s'enfuir à toute enjambée.
« Tu veux mon portrait, sorcière, cracha-t-elle à l'étrangère. Riffaude (brûle) au pacquelin du Raboin* (Enfer), finit-elle en claquant la porte.
― Formidable l'accueil. », marmonna sèchement Aëla.
Celle-ci passa devant des taudis empilés les uns sur les autres et accolés comme des alcôves. Des sanglotements l'interrompirent dans sa course. Elle essaya d'identifier d'où cela provenait. Derrière un tas de morceaux de bois empilés, Aëla reconnut la fillette malingre recroquevillée sur elle-même, le nez rougi.
« Ne me fais pas de mal ! s'épouvanta la fillette apeurée en portant la main sur son visage.
― Ne t'inquiète pas, momacque* (enfant). Je ne suis pas labago* (là) pour te faire du mal.
― Que fais-tu avec ce poignard, alors ? Est-ce mes patrons*( parents) qui t'envoie lago pour me rabâtir*(tuer) et solir* (vendre) mon corps . Je promets....
― Quoi ? Bien sûr que non ! »
Aëla suivit le regard apeurée de la fillette vers le poignard qu'elle tenait. Il était vrai que les circonstances étaient contre elle.
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Aëla - La Légende de la Princesse De Moret
Historical FictionAu printemps 1680, les journaux relayent un mystérieux phénomène. A Paris, un mystérieux bandit masqué, armé de son arc, vole les riches pour donner aux pauvres. Rapidement, la fièvre du Robin des Bois français gagne les petits gens asphyxiés par le...