1 - Ennemis ou Amis

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Treize ans plus tard, par une douce soirée de fin avril mil six cent quatre-vingt-un, propice aux promenades nocturnes, quelques nobles parisiens sortaient par la nef centrale d'une église, non loin du quartier du Marais.

Une femme, chapelet à la main, à l'écart du groupe s'échappa par une porte à la dérobée. Un fringant homme, tapi dans l'ombre, l'empoigna et conduit sa dulcinée, tout émoustillée, dans une petite impasse mal éclairée à l'abri des regards bien indiscrets.

« Henri, voyons ! Que faites-vous ? Faites attention à vos manières !

― Ici ? s'étonna Henri dans son étreinte. Ma chère amie, personne ne nous verra dans ce trou à rat ! Oseriez-vous me dire que vous n'aimez point cela ? »

Henri se pressa contre son amante dont il pouvait sentir la frénétique course de son cœur.

« Et si mon mari venait à nous surprendre, gloussa-t-elle comme une jeune femme en fleur. Il n'hésitera pas à vous affronter en duel.

― Craignez-vous pour la vie de votre amant ou pour celle de votre mari, ma jolie Françoise ? », se frétilla le coquin en caressant le visage doux couvert de blanc de cireux.

Perchée sur l'immeuble d'en face, une silhouette vêtue d'une longue cape que le vent soulevait, observait la scène avec un certain dédain. Le mystérieux individu écœuré par la scène qui se jouait sous ses yeux, prit l'arc accroché en bandoulière sur son dos. Et de sa main gauche, il chercha une flèche dans son carquois.

« S'il n'y a point un autre moyen de vous prouver mon amour, ma douce, je braverai la loi tel le bandit de Paris pour vos beaux yeux ! Je ne pourrais souffrir d'une vie sans vous, Françoise. J'affronterai comme un pieux chevalier les eaux du Styx pour vous retrouver ! »

À l'évocation du bandit de Paris, l'ombre leva les yeux de son arc déconcerté par tant de sornettes tandis que la femme, avec un léger embonpoint poussa un soupir d'aise.

« Henri, sois plus original et épargne-moi ton joli couplet sur ta passion dév-... », commenta la silhouette avec désespoir.

« Je ne peux contenir davantage la passion dévorante que j'éprouve pour vous. Je n'ai plus de mots pour exprimer mon ardeur. Je crierai sur tous les toits à quel point mon cœur et mon âme vous sont attachés, Françoise.

― Il ne loupe donc jamais ce passage ! »

Françoise ne tint plus longtemps et supplia presque Henri d'abréger les maux de cœur que ses mots avaient provoqué et de mettre fin à ses humeurs qui la transcendaient. Henri pressa ses lèvres fougueusement contre celles de la femme mariée et souleva les pans de sa robe sauvagement pendant qu'elle défit les boutons de sa veste. Révoltée, la silhouette s'indigna en tournoyant la flèche des bouts de ses doigts, comme une simple plume.

« Incroyable ! Combien de femmes différentes a-t-il dû baratiner, ainsi ? Ils ne reculent tous devant rien, ces chiens ! Pourquoi tombent-elles toutes dans leurs filets ? »

― Vous avez entendu ce bruit, Henri ? se détacha inquiète Françoise, essoufflée.

― Quoi, donc ? Ceci ? s'arrêta-t-il confus. Ce n'est que le battement de mon cœur, ma mie. »

L'amant prit la main potelée couverte de multiples bagues qui scintillaient à la lueur des lanternes parisiennes. Et, avec luxure et envie, il la porta sous sur son torse poilu ce qui troubla Françoise, à nouveau.

« N'ayez crainte, donc. Nous sommes bien seuls. », la rassura-t-il en lui baisant la main puis l'avant-bras avant de remonter jusqu'au cou.

Celle-ci se laissa aller à la tendresse de son amant et laissa échapper un gémissement comme si son esprit quitta son corps. Elle n'entendait plus rien, emportée par les étreintes plus pressantes et plus intenses d'Henri.

Aëla - La Légende de la Princesse De MoretOù les histoires vivent. Découvrez maintenant