« Le mal existe, mais pas sans le bien, comme l'ombre existe, mais pas sans la lumière.» - Alfred de Musset
Deux cavaliers galopaient avec frénésie sur le Pont-Neuf, réveillant les âmes misérables, tapies dans l'ombre. De sortie sur les trottoirs, ils scrutèrent avec avidité les deux hommes braves - ou, assez fous pour affronter ce pont malfamé.
Nichés dans les piles du pont qui enjambait la Seine houleuse, les balcons fermés défilaient à toute vitesse. Sur leur sillage, les deux hommes dépassèrent la silhouette de la Pompe de Samaritaine.
Au loin, une bataille de rues faisait rage. Les groupes de filous qui régnaient sur le Pont-Neuf s'affrontaient en duel pour s'assurer la domination du territoire. Alarmés par la furie des sabots qui fouettaient le pavé, ils s'arrêtèrent et prirent la fuite, de peur de se faire harponner par une escouade.
Silencieusement, les deux cavaliers longèrent les quais de Seine. L'air sérieux et grave, les deux hommes ressassaient les moindres petits détails qui leur permettraient de trouver leur trublion d'ami. Les cheveux bruns fouettaient la nuque du premier cavalier, au rythme du galop. Celui-ci leva les yeux vers la silhouette du palais du Louvre puis regarda la croupe d'où voltigeait la queue brune du cheval de son compère. Ce dernier, au visage fermé et impassible, comptait scrupuleusement les heures qui les sépareraient de l'arrivée du Roi.
A la vue de l'étendard qui flottait, au gré du vent, les deux cavaliers lancèrent au galop leurs chevaux qui renâclaient sous l'effort.
Arrivés devant l'hôtel Halle-Barbier, les deux cavaliers s'arrêtèrent brusquement. Hors d'haleine, leurs montures se cambrèrent, les sabots au ciel. Les deux agiles cavaliers sautèrent de leur étrier et se précipitèrent vers la porte de massive cloutée. Tenant son cheval blanc par la bride, le brun à la chevelure abondante emboita le pas, pressé. Il pilonna le heurtoir composé de deux chevaux et cogna avec fracas la porte.
Un des soldats de garde dont la casaque était à l'envers s'ouvrit la porte et approcha d'eux.
« Théophile de Riaux, s'annonça le comte. Léon de Mayne. Nous devons nous entretenir d'une affaire urgente avec le Capitaine de Forbin. »
Le mousquetaire de garde toisa avec une moue de dédain, Théophile, agité, puis le rouquin, en retrait, bien arrogant avec le col relevé.
« Laissez-moi deviner, vous souhaitez devenir mousquetaires, vous aussi. Il faudra revenir demain matin comme tout le monde, le gringalet ! »
Il esquissa un large sourire plein d'arrogance, et leur referma la porte au nez. Toutefois, quelque chose la bloquait si bien que celle-ci refusait de se fermer.
« Je crois que vous ne saisissiez pas totalement. » pesta Théophile, renfrogné, la tête dans l'entrebâillement.
Le comte de Riaux avait oublié à quel point le corps d'élite était fort arrogant, surtout lorsqu'ils étaient avinés. Et, le temps leur manquait. Du coin de l'œil, il entraperçut quelques bouteilles de vin qui jonchaient le sol. Il entendit des râlements et quelques gloussements féminins. Le comte nota une trace rouge sus le cou de l'homme puis sourit. Ce n'était un secret pour personne que les mousquetaires étaient les coqueluches de tout Paris et, surtout leur penchant pour les jolies femmes. Avec une force insoupçonnable, il repoussa la porte bien lourde. Roublard, il s'avança vers le garde, d'une démarche souple et assurée. Prêt à riposter, ce dernier porta sa main sur le bouton de rivures décoré du médaillon portant la croix fleurdelisée. Séducteur, le comte tira sur sa casaque bleue vers lui.
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Aëla - La Légende de la Princesse De Moret
Historical FictionAu printemps 1680, les journaux relayent un mystérieux phénomène. A Paris, un mystérieux bandit masqué, armé de son arc, vole les riches pour donner aux pauvres. Rapidement, la fièvre du Robin des Bois français gagne les petits gens asphyxiés par le...