NdA: Ce chapitre peut heurter la sensibilité des plus jeunes.
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Dans un acte de désespoir, Anselme s'élança comme un damné après Nicolas qui avait pris la poudre d'escampette dans la fraîcheur de la nuit. L'adolescent jeta l'épi de blé qu'il avait derrière son oreille avec frustration et rumina. Ce benêt de Belle Gueule ne savait pas ni à quoi ni à qui il s'exposait en narguant Anselme avec un large sourire.
Le garnement aux tâches de rousseur se précipita, la boule au ventre, dans la bâtisse d'où s'échappait une mélodie au rythme endiablé. Il joua des coudes parmi les clients dodelinants, les hommes ayant trop forcé sur la bouteille qui chancelaient ; ceux qui chantaient à tue-tête et ceux qui s'improvisaient musiciens. Il slaloma discrètement entre les tables où des poètes murmuraient des vers aux oreilles de femmes qui riaient aux éclats et les écrivains agitaient la plume entre deux verres.
Le jeune rouquin fut entraîné par les danseuses aux courbes généreuses qui l'agrippèrent comme une coqueluche, en lui tripotant les cheveux. Charmantes, elles sautillèrent gracieusement autour de lui sous les sons de la vielle, du violon et de la cornemuse. Sous les torches de la taverne, les cheveux tournoyèrent au rythme de leurs cabris.
Pendant un court instant, l'adolescent qu'il était se laissa porter par la musique festive, les couleurs qui éveillaient ses sens.
Lorsque les tambours grondèrent, il se redressa comme un rappel de la colère d'Aëla qui allait s'abattre sur lui. Les amusantes danseuses étaient parties chercher des clients pour la contredanse.
L'humeur festive de Chez Joseph avait gagné les âmes les plus taciturnes à l'exception de celle d'Anselme. Avec une mine sérieuse qui ne lui ressemblait guère, il partit à la recherche de la volcanique brune.
Ce dernier se faufila parmi les musiciens de tybia* et de hautbois. Il traversa la table des écrivains qui venaient chercher l'inspiration. Il arriva au comptoir, chercha du regard sans résultat probant. Rien. Les pieds sur le comptoir collant, il tenta de repérer la jeune femme parmi la foule en liesse.
« Bon sang, où sont les gens quand on a besoin d'eux ?», jura Anselme en se grattant les cheveux.
Les battants de la porte menant à la cuisine s'agitaient bizarrement. Il avait la solution sous son nez. Le rouquin sauta par-dessus le comptoir et s'y précipita.
Cachés derrière les portes, Anselme surprit Joseph et Volupia qui tendaient l'oreille. Curieux, il était sur le point de demander où se trouvait Aëla lorsqu'elle sortit de la cuisine comme une bourrasque.
Elle avait des traces de doigts bien rouges sur sa joue. Puis, les portes battirent violemment une seconde fois.
Jeanne dont les rides striaient le front, en sortit tremblotante et la poursuivit. Joseph prit l'épaule de sa femme qui semblait bien petite à côté de lui, et tenta de la calmer. Anselme appela Aëla en vain qui ne semblait pas l'entendre.
« Anselme, ce n'est pas le moment, l'arrêta la voluptueuse Volupia anormalement sombre et sérieuse.
― M-Mais je dois lui dire quelque chose d'important.
― Crois-moi, cela peut attendre. »
L'ambiance glaciale désarçonna Anselme. Ce dernier regarda tour à tour Jeanne qui fondait en larmes dans les bras de son mari, Volupia, affligée, qui se pinçait les lèvres ou qui frottait ses tempes et, Aëla qui se jetait à corps perdu dans les escaliers.
« C'est moi ou il y a une sale ambiance ? Où se trouve le cadavre ? », plaisanta Anselme en se frottant les cheveux ébouriffés.
Personne ne rit. Exaspérée, la coquette Volupia leva le nez vers le plafond, roula des yeux et soupira bruyamment.
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Aëla - La Légende de la Princesse De Moret
Ficção HistóricaAu printemps 1680, les journaux relayent un mystérieux phénomène. A Paris, un mystérieux bandit masqué, armé de son arc, vole les riches pour donner aux pauvres. Rapidement, la fièvre du Robin des Bois français gagne les petits gens asphyxiés par le...