Nous courrons avec Roxane en nous tenant la main. Derrière nous, nous entendons des boules de feu venir s'exploser contre des arbres ou des arbustes. Bizarrement, ils ne prennent pas feu comme on aurait pu le croire. Les végétaux touchés se contentent de se briser et puis c'est tout. D'un côté tant mieux pour nous. Nous avons déjà assez à gérer comme ça.
Roxane m'aggripe plus fermement alors qu'une énième boule de feu passe près d'elle.
La peur doit être plus forte que la haine Monsieur Carnet.
Je nous entraîne sur la gauche en espérant que nous allons bientôt semer nos poursuivants.
– Tu avais dis pendant l'automne ! S'emporte-t-elle en me ramenant sur la droite.
– Je sais ce que j'ai dis ! J'admets. J'aurais dû dire « quand les feuilles tombent » !
– Tu parles d'une médium ! Proteste-t-elle.
Je n'ajoute rien en me disant que le moment est mal choisi pour se disputer encore. Nous continuons à courir puis les arbres finissent par disparaître lorsque nous arrivons sur une espèce de corniche.
Nous nous arrêtons avant un précipice extrêmement haut et Roxane me lâche la main en faisant des allers-retours au bord du gouffre.
– Putain j'ai pris ce chemin d'instinct sans me rappeler où il menait, râle-t-elle.
– Comment tu connaissais cet endroit ? Je demande.
– On venait observer les étoiles avec mes parents lorsque j'étais plus petite, raconte-t-elle.
Une boule de feu vient s'abattre pas loin de nous et nous replonge dans notre fuite.
– On fait quoi ?! Panique-t-elle en me regardant avec attente.
J'étudie la zone en me disant que ça ne sert à rien de continuer à courir dans la forêt. Nous risquons seulement de guider nos ennemis jusqu'au village et de mettre tout le monde en danger.
– Kira ! M'appelle-t-elle en venant se blottir contre moi.
– On saute, je souffle en lui reprenant la main.
– Pardon ?! S'étrangle-t-elle avant de jeter un œil à la chute qui nous attend. Tu as perdu la tête ?!
– Tu vois d'autres solutions ? Je la contredis en nous rapprochant du gouffre.
Roxane se met à énumérer toute la liste de jurons qu'elle connaît. Je prends cela comme le signe qu'elle accepte mon idée.
– L'eau est au moins à plus de dix mètres en dessous, expose-t-elle en tremblant légèrement.
– On va y arriver, je l'encourage et m'encourage en même temps.
Nous nous avançons tout au bord du précipice tout en prenant de grandes inspirations. Une autre boule de feu vient s'exploser à deux mètres de nous.
Nous n'avons plus le temps d'attendre. J'aggripe fermement la main de Roxane puis m'élance dans le vide, l'entraînant avec moi.
– Si on s'en sort, c'est moi qui te tuerait ! Hurle-t-elle tandis que nous tombons.
Je crie de mon côté puis essaie tant bien que mal de me préparer à l'entrée dans l'eau. Celle-ci se produit plus rapidement que je ne l'aurais cru. J'arrive dans l'eau les pieds en premier mais je dois avouer que cela fait tout de même assez mal.
Je me force à garder la bouche fermée puis pousse le sol avec mes pieds pour me faire remonter à la surface. Une fois la tête hors de l'eau, je prends une grande inspiration tout en cherchant Roxane des yeux. Elle se trouve à quelques mètres de moi et commence à nager pour rejoindre la berge. Je l'imite et nous nous allongeons sur le sable tout en reprenant notre respiration. L'une à côté de l'autre nous fixons l'endroit duquel nous venons de sauter.
– On les a semés tu crois ? Chuchote-t-elle.
Les boules de feu semblent ne pas nous avoir suivies jusque là. Je dirais que notre ennemi a lâché l'affaire. En tout cas pour l'instant. Car nous n'avons pas fini avec lui, ce n'est que le début.
– Je pense oui, je lâche dans un souffle.
Nous restons toujours allongée et silencieuse pendant un court instant. Puis Roxane finit par se lever et se tourne pour me tendre la main. Je la regarde avec un mélange de surprise et d'inquiétude.
– Tu ne devais pas me tuer si on s'en sortait ? Je lui rappelle en m'asseyant.
Elle laisse échapper un petit rire avant de répliquer :
– Une autre fois peut-être, là j'ai besoin d'une douche.
Je lui souris puis prends sa main. Elle m'aide à me relever et nous reprenons le chemin du village. À cause de notre détour par la cascade, nous mettons au moins une heure avant d'arriver à l'entrée du village. Il faut dire que notre course nous a assez éloignées. Durant cette marche, j'ai ma première discussion « normale » avec Roxane. Et quand je parle d'une discussion normale, je parle de s'échanger des phrases sans qu'elle m'insulte ou me menace.
Et j'en arrive à me dire que, au fond d'elle, c'est juste une fille normale, avec ses complexes et ses peurs. Elle m'avoue avoir peur de ne pas être assez bien pour ceux qui l'entoure. C'est pour ça qu'elle se donne au maximum de partout : pour avoir de bonnes notes, pour être assez sportive, pour sa vie sociale et pour son côté louve. En la regardant comme ça, je me dis que sur certains points, on est pareil. On a toutes les deux peur d'être rejetées par ceux que l'on aime.
N'empêche Monsieur Carnet, il faut que l'on échappe à la mort ensemble pour se trouver des affinités. Tu ne trouves pas cela extrême ?
Enfin bref.
Nous finissons par arriver au village et Gabriel, James et les parents de Roxane semblent nous attendre devant chez les Lluna. La mère de Roxane court la prendre dans ses bras en nous voyant arriver.
– Oh Roxy qu'est-ce qu'il s'est passé ?! S'exclame-t-elle en voyant notre allure.
Nous avons les cheveux en bataille et les vêtements déchirés par endroit.
– Vous sentez le feu, remarque Gabriel, qu'est-ce qu'il s'est passé ?
Leur visage prend un air inquiet et c'est Roxane qui prend la parole pour tout raconter :
– On était au stade dans la forêt et on a été attaqué par des boules de feu magiques. On a courru pour s'échapper et on est arrivées jusqu'à la falaise où on venait regarder les étoiles. On a dû sauter pour les semer.
Dans l'entrefait, Shawn et Ty arrivent à leur tour. Ils nous regardent sous toutes les coutures en se demandant ce qui a bien pu se passer.
– Qui vous a attaqué ? Veut savoir Gabriel.
Une aura viril commence à se répandre parmi nous tandis que les hommes tentent de maîtriser leur colère. On a beau dire que nous sommes évolués, leur nature de loups protecteurs envers les « femelles » ne disparaît pas.
– On a pas vu qui c'était, je réponds, ce qui fait se tourner les hommes vers moi.
– Mais Kira pense que c'est lié aux esprits comme ce qu'elle a vu en vision, complète Roxane en attirant les regards.
Gabriel se tourne vers moi en fronçant les sourcils.
– Tu avais dis pendant l'automne, me rappelle-t-il à son tour.
– C'est exactement ce que je lui ai dis, assure-t-elle en nous regardant.
– Je sais ce que j'ai dis, j'interviens en ignorant Roxane. J'avais vu des feuilles qui tombaient pendant la vision. J'ai interprété cela comme étant pendant l'automne. Mais j'ai pas pensé aux feuilles qui commencent à tomber sur la fin de l'été.
– Autrement dit, résume James, cela a commencé plus tôt que ce que l'on avait prévu.
Je hoche la tête, pleine de culpabilité.
Gabriel laisse échapper un grognement puis déclare d'une voix forte :
– Préviens tout le monde James, réunion dans dix minutes.
James hoche la tête puis tous se séparent pour aller toquer aux portes.
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Kira, son carnet et tout le reste
WerwolfKira déménage avec sa mère à Belden, la ville qui l'a vue naître. Angoissée par nature, elle commence alors le récit de sa vie dans son carnet : Monsieur Carnet. Elle va intégrer le lycée de Belden et se faire de nouveaux amis. Une nuit de pleine l...