JE SUIS allongée en face de Trent. Il m'a invité à passer la soirée chez lui. Je n'ai pas refusé. Une fois sortis de table, nous nous sommes allongés sur son lit. Et voilà dix bonnes minutes déjà que nous sommes l'un en face de l'autre, quelques centimètres séparant nos deux visages.
— Mes parents se sont séparés lorsque j'avais quatorze ans, commence-t-il. Il y a quatre ans. C'est là que tout a commencé.
Je me concentre sur chacun de ses mots, l'incitant à se confier.
— Je dirais que cette histoire a commencé entre la fin du primaire et le début du collège. Je devais être en CM1. C'était le chaos à la maison mais de l'extérieur, on avait l'air d'une famille unie. Et ça me suffisait. Peut-être parce que personne ne savait à quoi ressemblait mon quotidien. J'étais un enfant malheureux. Et je pense que les maîtresses l'avaient deviné vu le traitement de faveur que j'avais. Mais elles ne faisaient rien. Alors je restais malheureux, et ça semblait suffir à tout le monde. Même à mes parents, qui passaient plus de temps à se disputer qu'à s'inquiéter de l'état de leurs enfants. Mon état actuel découle logiquement de ce que j'ai vécu. De ma solitude et de mon environnement chaotique. Les seules personnes saines de ma vie ne pourront rien y changer. Et, sans le vouloir, je suis juste devenu un Trent que j'aurais aimé ne jamais être. Je ne sais même pas qui je voulais être. Je n'ai pas eu le temps de le deviner.
Il s'arrête quelques secondes, semblant hésiter entre continuer ou s'arrêter là.
— Depuis des années déjà, je rentrais dans ma chambre le soir et y restait jusqu'au repas. Et quand on arrivait à table, Manu et moi, on voyait bien les regards que nos parents s'adressaient. Et, après avoir avalé notre repas le plus vite possible, Manu m'emmenait dans ma chambre et passait la nuit avec moi. Il faisait en sorte que je n'entende pas les conversations en parlant par-dessus les bruits. Mes parents ne se cachaient même plus pour se disputer. Et, à force de vivre dans cet univers, on fini par croire que c'est normal. Alors, je pensais qu'être violent verbalement, c'était normal. Et au fur et à mesure, j'ai vu certaines amitiés s'envoler. Sans que je puisse savoir pourquoi. Parfois, en sortant de l'école le soir, des parents me regardaient de travers. Je me demandais ce que j'avais fait de mal, qu'est-ce qui ne tournait pas rond chez moi. Le seul qui est resté, c'est Cameron. Il a dû en voir des vertes et des pas mûres. Avec moi, il s'en est pris des paroles déplacées. Il n'est pas parti, il m'a aidé à chercher le problème. Il m'a obligé à parler. Pour lui, ça n'a pas dû être facile. Cam est mon meilleur ami depuis la primaire alors il m'a vu grandir. C'est pour ça, sans doute, qu'il n'est pas parti. Il savait que ce n'était pas moi derrière mes actes. Je n'étais plus que le reflet de mes parents.
Je ne connais pas ce Cameron mais je lui en suis pleinement reconnaissante.
— Parfois, continue-t-il, laissant quelques larmes dévaler le long de ses joues. Les parents ne divorcent pas mais les enfants ont juste hâte que tout cela se termine. J'aime mes deux parents. Mais mon père pourrait vivre cent fois, qu'il ne mériterait toujours pas ma mère.
Il commence à verser de plus en plus de larmes. Je l'entoure de mes bras. Il pose ses deux mains sur mon bras, semblant avoir besoin de ce contact plus que tout au monde.
Je pense que s'il se confie à moi, c'est que je ne suis pas n'importe qui à ses yeux. Ça veut dire qu'il a confiance en moi, qu'il sait que je ne vais pas faire bruit de cette histoire autour de moi. Et il a raison, je vais le soutenir et l'aider à aller mieux. Parce que je l'aime, tout simplement. Et qu'il mérite beaucoup mieux que cette vie.
— C'était atroce. Et un soir, je suis rentré à la maison, comme d'habitude. Mais cette fois, maman et papa étaient assis l'un en face de l'autre autour de la table. Ils avaient les yeux rivés sur le sol. Manu était assis sur la dernière marche des escaliers. Tous les regards se tournèrent vers moi quand j'entrai dans le salon. Manu avait l'air soulagé. Mes parents restaient neutres. Comme s'ils n'avaient rien à se reprocher. Ils m'ont dit de m'asseoir avec eux. Je me suis exécuté, vite rejoint par mon frère. Nous étions côte à côte. Manu me protégeait. Il restait toujours près de moi, au cas où une dispute dégénérait. Fort heureusement, il n'y a jamais eu de violences physiques. Et voilà, ils ont annoncé le divorce. Quelque part, j'étais soulagé. Mais j'étais aussi apeuré à l'idée de ce à quoi les prochaines années de ma vie allaient ressembler.
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𝐓𝐑𝐎𝐏 𝐏𝐑𝐄̀𝐒 𝐃𝐄𝐒 𝐄́𝐓𝐎𝐈𝐋𝐄𝐒
Любовные романыMelissa Stone s'apprête à réaliser son plus grand rêve : intégrer l'Ecole du Ballet Royal. Depuis son enfance, la danse fait partie de sa vie. Du plus tôt qu'elle s'en souvienne, aller à cette école a toujours été dans ses projets. Londres, qu...