24 . éternelle concurrence

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J'ATTRAPE MON sac de sport, déterminée à rentrer à la maison. Ce soir, la librairie est fermée alors je n'ai plus qu'à rentrer et profiter de la fin de la journée.

  Je descends les escaliers avec Mia. Nous arrivons dans le grand hall d'entrée.

— Demain, on aura enfin les chorégraphies du ballet de fin d'année ! s'exclame-t-elle sur un ton jovial.

Mme Roberts nous a dit tout à l'heure qu'elle et ses collègues avaient terminé de mettre au point les ballets de fin d'année. Ces derniers réuniront tous les groupes de l'école. Ce seront des ballets « grandioses », d'après ses dires. Je suis impatiente d'avoir la liste des rôles et des chorégraphies.

— Je ne peux plus attendre, je déclare sur le même ton.

Megan et Lauren marchent derrière nous. Elles font exprès de parler fort, s'exclamant à torts et à travers qu'elles ont toujours les premiers rôles et que les nouveaux n'ont aucune chance.

Je lance un regard complice à Mia, qui lève les yeux au ciel face aux déclarations des deux filles derrière nous.

Nous arrivons dans le hall d'entrée. Megan et Lauren arrivent à notre niveau.

— Confiante pour l'attribution des rôles ? lance Megan de son air dédaigneux.

J'hoche positivement la tête.

— Très confiante, je réplique, sûre de moi.

— Tu ne devrais pas, rétorque Lauren.

— Pourquoi ? je demande, déjà certaine de la réponse que je vais avoir.

— L'école du Ballet Royal privilégie les vrais talents. T'as même pas encore fait tes preuves, affirme Megan.

— Oh, c'est toi qui as eu le premier rôle dans Casse-Noisette ? Pas à ce que je sache.

Mia me regarde, satisfaite de mon répondant.

— Alors si t'étais vraiment cette élève choisie à tous les coups pour son talent, tu aurais eu le rôle principal de Casse-Noisette, je continue avec assurance.

  — Mais enfin, je n'ai pas eu ce rôle pour la simple et bonne raison que j'étais déjà bien occupée avec celui du Lac des Cygnes. Arrête d'essayer de te défendre quand tu n'as aucun argument.

  J'entrouvre mes lèvres, sans voix. D'ailleurs, si je parlais, mes cordes vocales se briseraient tant je suis abasourdie par sa déclaration. Je ne sais pas quoi lui répondre. Je ne veux pas passer pour la méchante de l'histoire en la rabaissant. Ce ne sont pas mes valeurs. Et je dois défendre mes valeurs.

— Si tu n'as pas été choisie, c'est parce qu'il ne te pensait pas capable de retenir toutes tes chorégraphies.

  Je quitte le hall, sans lancer de regard à personne. Je me précipite vers les toilettes. Je m'enferme dans un des toilettes, profitant de cette isolation pour reprendre mes esprits. J'ai bien fait de partir. Je me sentais incapable de contrer la méchanceté de Megan et Lauren. Après tout, qu'ai-je fait à ces deux filles pour qu'elles me détestent autant ?

Je me motive en me répétant que je dois encore profiter de cette fin de journée : j'ai encore tant de livres à lire. J'ai pensé toute la journée au moment où je m'assiérais enfin dans le fauteuil confortable du salon, lisant un bon bouquin avec une tisane à la main.

Je déverrouille mon toilette et ouvre la porte. Je sursaute en voyant Mia, debout devant ma porte. Je pose ma main sur ma poitrine, couvrant mon cœur qui tambourine dans ma poitrine.

— Mia ! je m'exclame. J'ai cru pendant quelques millisecondes que j'allais finir tuer dans ces toilettes !

Elle rigole.

— Désolée. Mais la blague était si tentante, se justifie-t-elle d'un ton amusé.

Puis, dans un geste soudain, elle me prend dans ses bras. Je lui rends son étreinte. Je suis rassurée d'avoir une présence chaleureuse à mes côtés lorsque je suis malheureuse. Maintenant que je n'ai plus les bras de ma mère dans lesquels me blottir quand les choses vont mal, c'est réconfortant de trouver ce soutient là où on pensait ne plus en avoir.

En fin de compte, ce pays est rempli de gens aussi bienveillants que malveillants. J'ai idolâtré l'Angleterre, comme s'il s'agissait d'un pays parfait. C'était mon utopie, celle qui me permettait de rester ici sans reprendre la fuite immédiatement pour Hartford.

  — Merci, je chuchote en desserrant l'étreinte.

  Je recule d'un pas.

  — Désolée que cette journée se termine de cette manière.

  Mia pose ses deux mains sur mes épaules, un air compatissant au visage.

  — Ce n'est pas de ta faute. Je trouve que tu t'es bien battue contre ces pestes.

  — Elles sont des adversaires tenaces, je réplique, retrouvant le sourire.

Nous quittons les toilettes ensemble. Mia est une des meilleures choses qui soient arrivées dans ma vie. Parmi les meilleures choses qui soient arrivées dans ma vie, je compterais ma famille, la danse, Andy, les bouquins, et Mia. La liste des choses qui constituent mon univers.

Et éventuellement Trent. C'est encore trop tôt pour savoir l'impact qu'il aura sur ma vie.

Publié le 29/04/24

𝐓𝐑𝐎𝐏 𝐏𝐑𝐄̀𝐒 𝐃𝐄𝐒 𝐄́𝐓𝐎𝐈𝐋𝐄𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant