29 . épuisement

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JE FERME les yeux, commençant à m'assoupir dans le canapé. J'ai passé la soirée chez Mia. Elle organisait une fête chez elle pour fêter le début des vacances. Nous n'avons pratiquement pas dormi. Mais je dois avouer que faire la fête est quelque chose qui m'avait manqué. Aux Etats-Unis, j'assistais à des fêtes spectaculaires. Le genre de soirées auxquelles on n'assiste qu'une seule fois dans sa vie.

  Celle de Mia n'était pas si spectaculaire, mais ça ne m'a pas empêché de m'amuser. Lâcher la pression du spectacle de fin d'année qui arrive dans deux mois, c'était très agréable. En ce moment, mes journées se réduisent au stress. Mr Dacre et Mme Roberts nous mettent une pression à longueur de journée, encore pire que pour les ballets de Noël. De plus, comme je fais parti des rôles principaux, je me dois d'être parfaite pour le Jour J. Mr Dacre dit que je ne dois pas prendre un gramme, que je dois m'entraîner tous les jours et que rien ne doit me perturber. Alors chacune de mes actions est parfaitement mesurée.

  Cette fête, c'était le moyen de profiter de la vie une dernière fois avant de devoir dire en-revoir à tout écart qui pourrait m'être fatal pour mon rôle. Heureusement, j'ai tout le soutien de mes amies et de Trent, qui ne cesse de me répéter que je ne dois pas m'empêcher de vivre et que je suis parfaite comme je suis.

  Je suis tirée de mon début de sieste par la porte d'entrée qui s'ouvre brusquement. Amy et sa discrétion à toute épreuve sont là. Je me redresse et la regarde entrer. Elle tient deux sacs, ce qui me laisse deviner qu'elle vient de faire les courses.

  — Je t'ai réveillé ? me demande-t-elle en voyant mes yeux mi-clos.

  Je secoue la tête négativement.

  — De toute façon, je n'avais pas prévu de m'endormir. Je dois être à la libraire dans deux heures.

  — Sérieux ? Mais tu dois être épuisée.

  — Pas le choix. Je ne peux pas planter Mme Cleaver au dernier moment.

  — C'est vrai. Ce ne serait pas fairplay.

  Amy marche jusqu'à la cuisine, ses sacs en main. Je me lève du canapé et la suit. J'ai l'air d'un zombie. Comment vais-je justifier auprès de Mme Cleaver mon état ? Je ne peux pas lui dire que j'ai fait la fête toute la nuit, sachant pertinemment que je travaillais à partir de treize heures le lendemain. Mais ça valait le coup.

  — Je nous ai pris des salades pour ce midi, annonce Amy en les posant sur le comptoir.

  — Cool.

  Je me baisse sur un sac et en enlève son contenu pour ranger les aliments dans les différents placards.

  — Merci, pour les courses.

  — Aucun souci ! s'exclame-t-elle.

  Hier, Amy n'a pas travaillé à la brasserie. Elle est toute bien apprêtée et en forme, tout le contraire de sa colocataire.

  — Alors, quoi de neuf avec Trent ? me demande-t-elle alors que je ramène les salades sur la table basse.

  — Rien, je réplique. Tout se passe à merveille.

  Je baille en m'affalant dans le canapé. Il y a des jours où la vie semble juste... différente. Je ne saurais comment l'expliquer. Mais j'ai le sentiment d'être dans un de ces jours.

  — Tu veux un conseil ? me demande Amy en me rejoignant sur le canapé.

  J'hausse les épaules.

  — Dis toujours, je réponds.

  — C'est juste un homme. N'oublie pas comment sont les hommes. Un jour, ils sont là pour toi et, le lendemain, ils changent d'état d'esprit. Ce sont de vrais caméléons.

  Ma colocataire déteste les hommes. Au point qu'elle se demande même pourquoi elle est toujours hétéro. Elle dit que ça craint d'être hétéro mais que c'est la vie qu'elle mène. Elle pense que tous les hommes sont pareils et qu'aucun homme ne se différencie. Hormis Andy, il faut croire.

  — Trent n'est pas comme les autres, je rétorque doucement. Il est toujours au petit soin avec moi. Je l'ai aimé avant même de connaître son prénom.

  — Tu pensais la même chose avant qu'il ne te laisse sans nouvelle du jour au lendemain. Il a beaucoup joué avec tes sentiments et avec la pression que tu subis en ce moment, pas besoin qu'il t'en rajoute. Je n'ai pas envie qu'il recommence, tu comprends ?

  — Maintenant que je connais l'autre côté de sa vie, ça va mieux. Notre relation est stable.

  — J'espère qu'il est sincère, c'est tout. Mel', la danse te met déjà beaucoup de poids sur les épaules. Tu ne vis plus de la même façon. Et je le vois très bien. Ta façon de manger à changer. C'est limite si tu ne sors pas la balance à chaque fois que tu t'apprêtes à manger quelque chose. Tu passes tes journées à t'entraîner à l'école, ce qui est une bonne chose. Puis, arrivée ici, tu dois directement te rendre à la librairie et, une fois que tu rentres, tu continues à t'entraîner jusqu'à t'écrouler de sommeil. Cette routine n'est pas bonne pour toi. Et, les week-ends, tu vois Trent et tu ne te reposes pas. Je n'aime pas voir les cernes sous tes yeux s'agrandir de jour en jour, crois-moi. Je ne te dis pas d'arrêter de le voir. Simplement, garde de la place pour ton sommeil. Ou alors explique à Mme Cleaver que tu dois finir plus tôt. Elle comprendra, j'en suis sûre.

  Je sens une larme rouler le long de ma joue. Je suis si épuisée que je ne contrôle plus mes émotions. Elle me sert dans ses bras.

  — Tu ne peux pas comprendre à quel point j'ai besoin de voir Trent.

  — Certes. Je ne peux guère me mettre à ta place. Je te donne juste des conseils, à toi de voir ce que tu en fais.

  Je quitte ses bras et essuie mes larmes d'un revers de main. Les spectacles de fin d'année font ressortir mes faiblesses et me poussent à redéfinir mes limites.

  — C'est grâce à toi, à lui, à Mia et même à Mme Cleaver que je tiens le coup. J'ai besoin de chacun de vous. Vous êtes les épaules sur lesquelles je peux me reposer. Mais promis, je vais essayer de dormir davantage avant que mon corps me le fasse comprendre.

  — Chouette décision.

Publié le 15/05/24

𝐓𝐑𝐎𝐏 𝐏𝐑𝐄̀𝐒 𝐃𝐄𝐒 𝐄́𝐓𝐎𝐈𝐋𝐄𝐒Où les histoires vivent. Découvrez maintenant