𝐓𝐑𝐎𝐏 𝐏𝐑𝐄̀𝐒 𝐃𝐄𝐒 𝐄́𝐓𝐎𝐈𝐋𝐄𝐒

41 . ballet, partie une

IL EST dix-neuf heures. Dans une heure, nous sommes sur scène. Je peine encore à y croire, même si Mr Dacre est là pour nous rappeler le plus souvent possible qu'on ne doit pas perdre de vue notre objectif.

Je suis dans l'arrière-salle avec Trent. Nous sommes au fond du couloir, là où nous avons peu de chance de croiser du monde.

Juste avant de me retrouver ici avec lui, j'ai souhaité la bienvenue à mes parents, mon frère, Amy, Adonis et Mme Cleaver.

Je suis tellement contente qu'Adonis soit ici. Ça me fait vraiment plaisir de le voir.

Je suis en face de Trent, n'osant pas m'appuyer sur le mur par peur de froisser ma robe. Ce serait fâcheux. Fort fâcheux. J'essaie de toucher le moins possible mes cheveux ainsi, je garde le plus possible mon chignon intacte.

Amy et Andy se sont beaucoup rapprochés. Ça se voit à la manière dont ils se regardent qu'il n'y a pas que de l'amitié. Ça me réjouit de voir leurs sourires quand ils se voient. J'espère qu'ils n'auront jamais à vivre la relation que j'ai avec Trent.

J'aime Trent. Mais je n'apprécie pas toujours la façon dont il me traite. Je n'apprécie par la façon qu'il a de m'ignorer pendant quelques jours puis de revenir comme un cheveux sur la soupe.

En revanche, j'aime sa façon de me sourire. J'aime sa façon de me complimenter et de me montrer son amour par les contacts physiques, aussi petits qu'ils soient. J'aime son style et j'aime son visage.

Mais, parfois, je me demande de quel façon je l'aime. Après tout ce qu'on a traversé, je n'arrive pas à savoir si je suis amoureuse de lui ou si je ressens juste de l'affection pour lui. C'est confus dans ma tête.

— Tu es vraiment magnifique. Tu vas illuminer la scène, affirme-t-il.

— J'espère ! je réplique sur un ton confiant.

Il se penche vers moi et dépose un baiser passionné sur mes lèvres. Il n'y a rien de plus motivant.

Trent n'a pas encore fait la connaissance d'Adonis. Je ne doute pas sur le fait que leur rencontre sera fructueuse. Cependant, je sais que Trent a peur de l'abandon et a peur d'être remplacé. Je ne veux simplement pas qu'il ait peur que je le rejette pour Adonis.

  Mais à l'usure, s'il continue comme ça, je le rejetterai tout court.

— Mon rouge à lèvres, je chuchote.

Il arbore un sourire coupable.

— Oups, répond-t-il sarcastiquement.

Je l'embrasse à nouveau. Du rouge à lèvres, ça se remet mais, des moments comme ça, ça ne se vit pas deux fois.

— Bonne chance, Melissa.

J'aurais aimé qu'il me donne un surnom affectif, mais ça semble être hors de ses capacités. Et je suis un peu déçue de l'entendre.

— Merci !

— Tu vas tout déchirer, mon amour !

Enfin, il décroche un surnom affectif. Je le prends délicatement dans mes bras afin que tout de ma tenue reste intacte.

Je l'aime mais pourtant, je n'arrive plus à le lui dire. Je ne suis plus sûre de rien. Mais je ne veux pas douter. J'ai l'impression que douter est une faiblesse qui empêche d'aller de l'avant. Or, parfois il faut se lancer sans réfléchir pour pouvoir profiter au maximum des possibilités qu'offrent la vie.

— On se revoit à la fin du ballet, je déclare en mettant fin à notre étreinte.

— Faisons cela.

⋆ ☆ ⋆

  Mia, Evy, Marcus et moi sommes dans les coulisses, regardant discrètement derrière les grands rideaux ce qu'il se passe sur scène.

  — Mesdames et messieurs, bonsoir et bienvenue, déclare Mme Roberts une fois arrivée au niveau du micro. Je suis Fiona Roberts, professeure de danse de l'Ecole du Ballet Royal pour les femmes entre dix-sept et vingt ans.

  Mr Dacre est à côté d'elle. Ils ont tous les deux un grand sourire aux lèvres.

  — C'est avec un grand honneur et un grand plaisir que nous vous dévoilons ce soir le ballet sur lequel nous travaillons depuis quelques mois déjà, continue Mme Roberts.

  Elle passe le micro à son collègue.

  — Je suis Paul Dacre, professeur de danse à l'Ecole du Ballet Royal pour le groupe masculin des dix-sept / vingt ans. Ce soir, vous découvrirez une version quelques peu revisitée du célèbre ballet Paquita. Nous espérons de tout cœur que vous apprécierez le ballet.

  Il passe le micro à Mme Roberts.

  — Nous vous souhaitons une bonne soirée et nous nous revoyons plus tard.

Les rideaux rouges se referment tandis que Dacre et Roberts rentrent à nouveau dans les coulisses.

— Bon courage, chuchote Dacre afin que le public ne soit pas dérangé par des éclats de voix.

— Merci, je réponds, un grand sourire aux lèvres.

— Vous vous sentez comment ? demande Dacre.

— Je suis au bord de la syncope, déclare Mia.

— Détendez-vous, suggère Mme Roberts.

— Il y a combien de spectateurs ? demande Marcus.

  — Tous les billets ont été achetés, la salle affiche complète, répond Mme Roberts.

  — Il y a mille personnes derrière le rideau, répond Dacre. Mais vous n'avez qu'à imaginer qu'il y a juste votre famille. Et les lumières vous éblouiront tellement que vous ne verrez pas le public.

Marcus fait une mine désarçonnée, laissant ses bras ballonner le long de son corps.

— Allez sur scène, maintenant, ordonne Mme Roberts sur un ton amusé devant la réaction exagérée de mon coéquipier.

Nous poussons discrètement le rideau et entrons sur scène. Pour l'instant, le grand rideau nous cache du public.

Mon cœur bat la chamade. Je suis si heureuse, et si confiante. L'entraînement d'hier n'a fait que me prouver que je connaissais du bout des doigts mes chorégraphies et que j'étais prête à les réinvestir.

— Dans dix secondes, les rideaux s'ouvriront, chuchote Dacre en regardant sa montre.

Je regarde le sol tandis que mon professeur referme parfaitement le rideau afin que les coulisses deviennent invisibles pour les spectateurs.

Evy est avec moi pour cette première chorégraphie. Marcus arrive dès la deuxième.

Nous nous sourions. Je compte les secondes restantes dans ma tête. J'ai peur de tout oublier en me rendant compte du nombre de spectateurs. J'ai déjà fait tellement de ballet, je ne dois pas me laisser déconcentrer. Surtout qu'il ne s'agit pas de n'importe quel ballet.

Je ferme les yeux quelques secondes et tente de me remémorer les premiers pas de ma première chorégraphies. Ils me reviennent sans soucis.

— Top, déclare Roberts pendant que la musique démarre doucement et que le rideau se lève.

Publié le 05/06/24