Géniteurs

14.

Je suis dans le jardin, en compagnie de Jude. Nous nous sommes assis sur le rocher sous le saule. Je dois ravaler ma fierté pour ignorer ma colère.

- Comment tu as pu sortir de l'orphelinat ? Demandé-je.

Jude réfléchit quelques instants puis il hausse finalement les épaules.

- Je ne sais pas trop comment ça s'est passé, j'ai vu le mot d'Edan un matin. Je savais qu'il avait eu son attribution donc il était facile de savoir que c'était de toi qu'il parlait.

Il me regarde en souriant et me fait un clin d'oeil. Je lui souris en retour, puis il reprend :

- En revanche, je ne sais pas comment il s'est débrouillé pour me faire sortir de l'orphelinat, parce qu'après le petit-déjeuner, on est venu me chercher et on m'a conduit jusqu'ici.

Il désigne la maison en ouvrant les bras.

- Peut-être que je suis le deuxième partenaire à vivre avec toi.

Il tourne la tête et me regarde d'un air salace, je roule des yeux et il rigole.

- Bref, reprend-il, je suis arrivé ici et j'étais tout seul dans cette super baraque. Du coup j'ai dû m'occuper en attendant que tu arrives et j'ai découvert que la maison était équipée de caméras et de micros, dans certaines pièces.

Je le regarde avec des yeux ronds. Des caméras ?! Ça veut dire qu'on nous espionnait et que le gouvernement savait donc qu'Edan et moi ne respections pas notre accord !

- Attends, dis-je à Jude, tu es sûr ? Des caméras et des micros ?

Il hoche la tête.

- Affirmatif, pour vous voir et entendre ce que vous dites. Mais t'inquiètes pas, il y en avait seulement dans le salon et dans la salle à manger.

Je n'en reviens pas. Mais je ne comprends pas quelque chose, si le gouvernement nous voyait et nous entendait, pourquoi n'a-t-il pas agi directement ? Pourquoi n'est-il pas venu ici pour nous punir ? Jude me regarde avec intérêt mais mes yeux sont fixés sur un point du sol.

- Tu sais ce que ça veut dire ? Me demande-t-il.

- Ils pouvaient nous voir, dis-je.

- Non, pas que ça. Où est Edan ? Est-ce que c'est vraiment lui qui m'a déposé ce mot ? Est-ce que le gouvernement le tien prisonnier ?

Je suis d'autant plus perdue. Je plonge mes yeux dans ceux de Jude, et la détresse doit se lire sur mon visage puisqu'il me sourit tendrement.

- T'inquiètes pas, il s'en sort toujours, me dit-il.

- Oui, avec plus ou moins de séquelles, répondis-je.

Jude semble vexé, mais c'est la vérité. Je ne dis pas que tout cela est de sa faute mais s'ils avaient gardé contact, Jude en saurait plus ! Je détourne les yeux de son visage et je regarde la maison en face de moi. Si le gouvernement avait décidé de me donner Jude comme partenaire, pourquoi ont-ils laissé l'adresse d'Edan comme étant ici ? Soudain, je pense comprendre.

- Ils veulent le faire disparaître, dis-je, c'est ça le châtiment.

Je tourne la tête pour regarder la réaction de Jude, ses sourcils sont froncés et il mord sa joue. Il hausse finalement les épaules et répond :

- C'est ce que je pense, il va disparaître et nous n'aurons aucuns moyens de le retrouver. Le gouvernement va effacer au fur et à mesure toutes traces de lui et personne ne s'en souciera.

Je repense à son licenciement du laboratoire et c'est vrai que tout concorde.

- Sauf nous, me rassuré-je. Sauf nous Jude.