33.

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En poussant la porte, je remarque qu'Edan n'est pas à la maison. Il a sûrement décidé de ne pas m'attendre pour aller manger, mais ce simple fait m'inquiète encore plus.
Je traverse donc de nouveau la ville au pas de course vers le réfectoire.
De l'extérieur un brouhaha se fait entendre.
Quand j'entre dans la salle pleine, il ne m'est pas difficile de repérer Edan. Il est au fond de la salle, seul, appuyé contre le mur avec le regard rivé sur l'entrée.
Je ne peux pas m'empêcher de sourire mais son expression à lui ne change pas. Il reste impassible, presque froid.

Je contourne les gens en prenant soin de ne pas les bousculer et j'arrive devant Edan. Je ne sais absolument pas quoi dire, tout ce qui sortira de ma bouche ne sera qu'un leurre. Et je ne sais pas mentir du tout.

- Salut, dis-je en tentant un sourire. Je me suis endormie au boulot.

C'est la seule excuse que j'ai trouvé sur le moment.
Ridicule.
Aucune expression notable ne traverse le visage d'Edan. Je ne sais pas s'il me croit, s'il a pitié ou s'il est en colère. Cela me tord le ventre.
Il se décolle finalement du mur et se dirige vers les tables où nous prenons notre repas. Tout se fait en silence mais il ne me quitte pas des yeux. J'essaie de paraître la plus naturelle possible.

- Ta journée s'est bien passée ? Demandé-je.

Il plisse légèrement les yeux.

- Oui ...

- Génial, je réponds.

Nous nous installons dans un coin pour manger.
J'ai l'impression qu'il commence à s'affoler quand il voit que la salle se vide de plus en plus.
Peut-être que je devrais lui dire la vérité. Il n'osera pas s'énerver ici, au milieu de tous ces gens.
Mais même si je le veux, les mots restent bloqués dans ma gorge. Je n'ai pas envie de lui dire que j'étais avec Jude pour la bonne et bien simple raison que je ne veux pas partager ce que nous avons fait ce soir. Pour une raison purement égoïste, je ne veux pas qu'Edan connaisse l'existence de ce rocher. Je veux que ce lieu soit consacré exclusivement à Jude et moi.

Mais Edan perturbe tous mes plans quand il déclare d'un ton uniforme et robotique :

- La vue est magnifique de ce rocher, n'est-ce pas ?

Cela me fait l'effet d'un coup de massue en pleine poitrine. Je ressens un élan de panique et pendant quelques millièmes de secondes je suis paralysée.

- J'espère que vous avez bien profité, reprend Edan. Il fera trop froid cet hiver pour y retourner.

Mon corps répond enfin. Je fronce les sourcils sous l'incompréhension et je veux dire quelque chose mais Edan me coupe de nouveau :

- S'il te plait, ne dis rien. Surtout pas.

Son souffle est court.
Il est extrêmement énervé, alors j'obéis en baissant les yeux sur mon assiette.

Je veux partir. Fuir cette situation merdique dans laquelle je me suis fourrée.
J'étais seulement avec Jude ! Il m'a montré quelque chose de magnifique et je ne vois pas ce qu'il y a de mal la dedans !

- J'ai au moins le droit de me justifier non ?

Mon ton est presque cinglant et je le regarde d'un air de défi.

Pourquoi suis-je à mon tour en colère bordel ?!

Edan me mitraille des yeux et je ressens un énorme pincement au coeur. Jamais il ne m'a regardé ainsi. J'ai toujours su décelé l'amour qu'il me portait dans ses yeux bleus. Ça fait mal.
J'essaie d'adoucir mon regard.

- Excuse-moi, dis-je alors. J'aurais du te prévenir, mais je ne pouvais pas. Jude est venu me proposer ce matin de l'accompagner quelque part. J'étais curieuse et j'en avais envie.

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