41.

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Nous sommes samedi.

Cela fait deux jours que je rumine dans mon coin.

Cela fait deux jours que je n'ai vu ni Edan, ni Jude. Aucun des deux n'a d'ailleurs exprimé le souhait de me voir.

Il faut que tout s'arrête, j'en ai besoin, je n'ai plus la force de continuer ainsi.

Je n'ai pas vraiment dit à Anouk ce que j'allais faire, mais quelque chose me dit qu'elle le sait déjà. Ce sera mieux pour tout le monde. Je ne me sens pas prête, tout simplement. Je ne désirais pas cet enfant, et même si je sais que je l'aurai aimé de tout mon cœur, j'ai besoin de plus de temps. Il faut avant tout que je fasse le tri dans mes pensées et cela est impossible si mon cerveau est constamment ravagé par des émotions contraires. Mais ce n'est pas ça qui m'a véritablement décidé, ni même cette mission au village des Sauvages. Ce qui m'a décidé, c'est que je sais que je n'aurai pas été à la hauteur. Je ne veux pas infliger ça à n'importe quel enfant. Je veux que mon enfant ait la meilleure vie qui soit, avec des parents présents et responsables. Or, je n'aurai été ni l'un ni l'autre.

Peut-être que je me console comme je peux. Peut-être que rien ne peut justifier ma décision. Peut-être que je suis un monstre qui n'a pas de cœur. Peut-être que je vais le regretter. Mais à cet instant c'est ce que je veux.

On frappe timidement à ma porte.

- Entrez, dis-je.

Madame Lambert entre dans ma chambre.

- Bonjour Aurore, vous allez bien aujourd'hui ?

Depuis jeudi, je suis incapable de définir mon état. Je me contente alors de répondre :

- Oui.

- Tant mieux.

Elle prend le tabouret qui est toujours prêt de mon lit et le tire vers elle pour s'asseoir dessus.

- Anouk m'a parlé. Elle m'a dit qu'elle pensait que tu avais pris ta décision.

Cela ne m'étonne pas de la part d'Anouk. J'hoche la tête.

- Est-ce que je peux savoir de quoi il s'agit ?

Elle parle doucement, sur un ton qu'elle ne veut pas agressif.

- J'aimerais ... Enfin, je ne pense pas ... vouloir de cet enfant.

Je baisse les yeux car je redoute sa réaction. Je m'attends à ce qu'elle me foudroie du regard, limite à ce qu'elle m'accuse d'être une femme horrible, mais au lieu de ça, je la vois sourire et me prendre la main.

- Je comprends ta décision Aurore.

Je lève les yeux et j'esquisse un petit sourire dans sa direction. Je peux respirer, tout va finir, tout va rentrer dans l'ordre.

- Merci, chuchoté-je.

- Mais j'aimerais savoir quelles sont tes réelles motivations. Je veux m'assurer que tu n'as pas choisi cette option sur un simple coup de tête ...

Elle me sert un peu plus la main pour m'encourager à parler, et pour montrer qu'elle m'écoute.

- Je ne me sens pas prête d'assumer cet enfant. C'est un poids trop lourd. Maintenant que je peux décider de ce que je peux faire, je me rends compte que la vie qui m'était destinée ne me correspond pas du tout. Et puis, je veux le meilleur pour mon futur enfant, or de mon point de vue, les conditions actuelles sont loin d'être optimales. 

Je fais une pause, ne sachant pas quoi dire de plus. Il n'est même pas question de cette expédition finalement, mais son annonce a confirmé mes soupçons sur la situation plus que bancale dans laquelle je me trouve.

GéniteursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant