Géniteurs

53.

Je me suis réveillée il y environ une heure, dans une chambre qui semble être en tous points identique à celle que j'avais quelques semaines plus tôt.
Le sol bleu, les murs blancs immaculés. Les néons puissants. L'horloge face au lit.

Et depuis une heure que je fixe cette horloge, rien ne s'est passé. C'est comme si je venais de me réveiller d'un long rêve. Personne n'est venu me voir malgré mon insistance à sonner. L'horloge indique sept heures du matin. Je ne sais pas combien de temps j'ai dormi. J'ai aussi un très vague souvenir de notre arrivée ici. Je me souviens juste être montée dans l'avion et m'être endormie. Le reste est flou.
Je ne sais même pas si tout ce dont je me souviens est vrai, mais je ne veux pas me poser les mêmes questions que lorsque je suis arrivée ici. Quelque chose me dit que tout est véridique, et que je suis seulement un peu shootée.

À huit heures trente, la porte de ma chambre s'ouvre enfin, et je découvre sans surprise Anouk accompagnée du docteur Lambert.

- Bonjour Aurore, disent-elles.

Je réponds par un simple hochement de tête, lassée de tout ça.

- Tout va bien, ne t'inquiètes pas, me dit Jeanne. Tu vas pouvoir sortir dans la journée.

Elle m'adresse un sourire auquel je ne réponds pas.

- Où est Louise ? Demandé-je. Comment va-t-elle ?

Anouk et Jeanne échangent un regard complice, et le docteur sort de la chambre. Anouk vient me rejoindre sur mon lit.

- Elle est dans le service d'obstétrique, elle a subit beaucoup de chocs ces derniers temps et elle devra rester ici pendant plusieurs semaines je pense. Il faut qu'elle reprenne des forces et qu'elle se reconstruise.

J'hoche la tête, puis je ferme les yeux en me laissant glisser dans mon lit. Je peux enfin me dire que toutes les personnes auxquelles je tiens sont ici, en sécurité et proches de moi. Le stress permanant que j'avais à me soucierde Louise me fatiguait. J'ai maintenant les épaules légères.

- Merci, dis-je à Anouk.

- Ce n'est rien. Je suis contente, tu vas pouvoir tourner la page et repartir sur de bonnes bases maintenant. Reconstruire ta vie avec les gens que tu aimes ...

- Je ne sais pas, avoué-je. J'ai besoin de savoir que tout se passe bien à Rarya. Tout ce qu'il s'est passé là-bas est de ma faute ...

- Non, tu ne dois pas te dire ça. Les autorités ont pris le dessus, et ils sont en train de calmer la population.

- Les autorités ?

- Oui, Utopia a envoyé des troupes pendant que vous étiez en chemin pour rentrer. Ils ont envoyé quelques militaires, mais la plupart sont des gens qui sont volontaires pour aider Rarya. Le peuple s'est déjà rendu compte de pas mal de choses, il va juste devoir connaître toute la vérité.

- Il y a eu des morts ?

Anouk me regarde tristement. Elle n'a pas besoin de répondre pour que je comprenne. Mais curieusement, cette nouvelle ne m'attriste pas profondément comme je l'aurais cru. Je me sens juste inutile. Léthargique.

- Je ne peux pas sortir maintenant ? Je demande désespérément.

Mais Anouk secoue la tête.

- On doit attendre les résultats de ta prise de sang, au cas ou. Et après tu pourras sortir s'il n'y a rien.

Je pousse un profond soupir. Une envie irrésistible me vient alors soudainement. Je veux voir Edan et je veux voir Jude. Les deux, dans la même pièce. J'ai besoin de les confronter tous les deux ensemble. Je ne veux pas choisir, je veux juste les voir en même temps.