Géniteurs

51.

Lorsque l'avion décolle, je sens une boule d'excitation se former dans mon ventre. Ce n'est ni désagréable, ni incroyablement agréable, mais je ressens que cela n'est pas négatif. C'est une sorte d'euphorie nerveuse qui améliore mes cinq sens. C'est de l'adrénaline.

Je sais que nous allons mettre plusieurs longues heures avant d'arriver près de Rarya, sans compter la marche qui s'en suivra. Mais la seule chose à laquelle je pense pour le moment, c'est que ce soir, je serai auprès de Louise. Je pourrai la prendre dans mes bras et la serrer fort contre moi. Toutes ces choses que je n'ai pas pu faire pendant longtemps.

Je ne sais même plus combien de temps s'est écoulé entre mon départ de Rarya pour rejoindre les Sauvages et maintenant. Toute notion du temps m'a quitté. Je ne sais donc pas comment sa grossesse s'est passé. Je suis encore mal à l'aise d'y penser. Me dire qu'elle sera maman et que j'ai décidé de ne pas le devenir me ronge d'un sentiment que je ne peux pas décrire. Je sais qu'elle n'est pas au courant, mais quelque chose me dit qu'elle sentira quelque chose d'inhabituel. Elle me connait trop bien.

Je tapote vivement mon pieds contre le sol de l'avion. J'écope des regards agacés de mes compatriotes, mais sitôt qu'ils ont la tête retournée, je recommence cet éternel mouvement.
Avant de partir, j'ai eu le droit à quelques consignes supplémentaires. Je sais que je devrai me rendre dans une maison spécifique pour signaler ma présence à Rarya et cette maison sera le lieu où je devrai dormir tous les soirs. Je ne dois pas risquer de mettre en danger des personnes innocentes en dormant chez eux. Mais c'est après avoir prévenu Louise que ma mission commence réellement. Je dois me faire repérer par le Gouvernement le plus vite possible après ça. Je devine malgré tout quelques coquilles dans le plan de monsieur Russot. En effet, le Gouvernement devrait savoir que je ne me suis pas téléportée dans leur ville, et que j'aurais donc des alliés. L'imprudence qu'ils auraient à me capturer serait donc évidente. Mais je fais tout de même confiance au plan établie par monsieur Russot. Je pense que je ne suis pas au courant des forces qu'ils possèdent par rapport à Rarya. Je ne sais même pas combien il y a d'espions dans mon ancienne ville. Peut-être que la moitié du Gouvernement est composée d'espions, qui sait ?

Mais après tout, qui suis-je pour discuter sur la stratégie d'une mission ?

Les heures passent. Il est onze heures et l'arrivée est prévue dans trente minutes. Je suis accompagnée de quelques soldats qui vont m'accompagner jusqu'à Rarya, puis je serai seule avec le sergent jusqu'au repère. Après ça, je serai livrée à moi-même et au Gouvernement. Je ne pense pas que je réalise encore ce que je vais faire. Malgré ma prise de conscience par rapport à Rarya, c'est la ville dans laquelle je me suis construite et où j'ai grandi, ma confiance envers le Gouvernement ne s'est donc pas tout à fait effacée bien qu'une grande haine soit née au fond de moi.

- Le plus important, me répète ls sergent à ma droite, c'est que tu ne dois pas te faire repérer avant d'être chez Louise. Sinon, le Gouvernement risque de vous emprisonner toutes les deux.

J'hoche une nouvelle fois la tête. J'ai écouté toutes ses alertes pendant plusieurs heures. Je pense savoir ce que je dois faire ou pas à présent.

- Nous arrivons dans cinq minutes, préparez vous, dit-elle à l'intention de tout le monde.

Chacun se redresse, les mains sur leurs armes.
Par sécurité, je ne porte rien. Aucune arme. De toute façon, je ne sais pas m'en servir. Mais cela augmente encore plus ma vulnérabilité. En plus d'être totalement à découvert, je serai sans défense.

Je n'ai pas vraiment pris connaissance du plan après que les jumeaux m'aient retrouvé. J'ai l'impression qu'en réalité, le plan s'arrête là.

L'avion se stoppe finalement et entame une descente. Je m'accroche au barreaux de sécurité. La porte du bas s'ouvre.