ERALDIOR - Volume 1 - L'Héritière d'Emeraude

Chapitre 17 : La Cour de l'Ombre (I)

L'escalier en spirale était désert. Seuls leurs pas résonnaient sur le marbre froid, presque trop lourds dans le silence, malgré leurs précautions.

– Encore combien d'étages ? marmonna Lyanna, le souffle court.

– On devrait y être, dit Rox.

Après avoir jeté un rapide coup d'œil sur le palier, Eff'il leur fit signe que la voie était libre. L'aile où ils se trouvaient était réservée au duc de Nevez et à ses invités. De simples soldats en compagnie d'une jeune servante n'avaient rien à y faire, et encore moins le droit de s'y promener librement. Si la garde rapprochée du duc les repérait, Eff'il ne donnait pas cher de leur peau.

Il laissa échapper un soupir inquiet. Ils avaient commencé par inspecter le boudoir où le seigneur de Daavos les avait congédiés ; malheureusement, il était vide à leur arrivée. Soit le duc avait emmené Selena dans ses appartements, soit il s'était empressé de l'enfermer dans les geôles...

À la pensée de son amie seule parmi les monstres, Eff'il frémit. Leur plan pour entrer à Nervos était le sien ; et une petite voix perfide, dans sa tête, lui soufflait que s'il la perdait, ce serait de sa faute. Il aurait dû trouver une meilleure cachette pour Lyanna et elle, il aurait dû prévoir que les Héranits inspecteraient la cargaison...

« Tyëld'Alf. Toujours aussi décevant. »

La voix de son ancien instructeur, le Commandant Naowyn, se superposait à celle de sa conscience, attisant les regrets qui lui broyaient le cœur. Ses doigts tremblaient ; il crispa la main sur le poignard à sa ceinture.

« Oh, Wyl, si tu avais été là, rien de tout ça ne serait arrivé... Toi, tu aurais su l'éviter... »

– Eff'il ? Tout va bien ?

La voix de Rox, soucieuse, l'arracha à ses pensées. Il se força à se secouer.

– Pardon. Je réfléchissais.

La Gardienne du Feu semblait dubitative, mais à son grand soulagement, elle n'insista pas. Elle repoussa une mèche de cheveux échappée de son casque que la sueur collait sur son front. À force de courir à travers les étages, les peintures noires et blanches de Lou avaient coulé sur sa joue. Si Eff'il se fiait aux traces grisâtres sur ses propres mains, son maquillage ne devait pas être en meilleur état. Il leur faudrait bientôt trouver un autre déguisement...

Le grincement d'une porte l'alerta. Au bout du couloir, des éclats de voix leur parvinrent.

– Attention !

Ils se dissimulèrent derrière les épais rideaux qui encadraient la fenêtre la plus proche. Un peu plus loin, des gardes surveillaient une porte aux boiseries dorées, aussi immobiles que des statues. Le seigneur de Daavos se tenait dans l'entrebâillement ; à ses côtés, aucune trace de Selena. Il claqua le battant derrière lui, avant de se tourner vers les colosses armés jusqu'aux dents.

– Faites-moi le plaisir de retrouver les gardes qui prétendent avoir capturé la princesse.

« Oh, ça ne sent pas bon pour nous », songea Eff'il.

Si le duc se doutait de quelque chose, leur mission de sauvetage risquait de prendre un tour catastrophique. Le jeune elfe échangea avec Lyanna un regard alarmé.

– Il faut qu'on s'éloigne, murmura Rox. Selena n'est plus avec lui, et nous sommes trop près. S'il nous voit...

Elle ne finit pas sa phrase, mais Eff'il n'en avait pas besoin pour imaginer le sort qu'on leur réserverait. Sans bruit, ils regagnèrent l'escalier et dévalèrent les marches quatre à quatre. Derrière eux, les pas des soldats se rapprochaient déjà. Ils ne devaient pas traîner.