Chapitre 18 : Evasion (I)

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Un peu plus tôt


Le seigneur de Daavos avait suivi le messager, agacé de cette interruption au beau milieu de ses jeux. Il aurait tant aimé voir de ses propres yeux la réaction de la princesse, face à la surprise préparée à son intention ! Cependant, l'affaire était urgente.

– Ainsi donc, trois imposteurs ont été arrêtés dans les prisons ?

– Oui, Votre Grâce. Nous pensons qu'ils font partie de ceux qui vous ont amené la princesse de Lightawln.

– Intéressant, commenta le duc.

Il récupéra la torche que l'Héranit lui tendait et rejoignit les geôles à grands pas. L'impatience faisait trembler ses mains. Il avait craint que ses soldats échouent à retrouver ceux qui avaient amené la princesse. Mais si ce qu'on lui disait était exact, il n'aurait bientôt plus à redouter la colère de son roi.

À l'entrée des cachots, il congédia son messager et entra. La puanteur et l'humidité du sous-sol déclenchèrent chez lui un frisson de dégoût. Il avait une sainte horreur de ces bas-fonds sordides. Si cela n'avait tenu qu'à lui, il aurait passé tout l'endroit à la flamme pour le purifier de la vermine qui croupissait à l'intérieur.

Une demi-douzaine de membres de sa garde personnelle l'attendait devant l'une des cellules. À son arrivée, les soldats s'empressèrent d'en sortir les suspects et les forcèrent à s'agenouiller devant lui. Le duc de Nevez s'approcha, intrigué.


Il y avait là un elfe et deux jeunes filles, les mains entravées par des fers argentés. Deux d'entre eux, l'elfe et la fille la plus âgée, avaient le visage barbouillé de restes de maquillage essuyé à la hâte.

L'elfe lui jeta un regard assassin. Daavos le détailla d'un rapide coup d'œil. Un visage juvénile, des oreilles pointues, comme tous ceux de son espèce, une allure de paysan mal dégrossi.

« Sans intérêt, » jugea-t-il.

Il n'avait que faire d'un roturier en son genre. Il l'enverrait au gibet sitôt son interrogatoire achevé. Il concentra son attention sur les deux humaines.

La première était une fille qui n'avait pas plus de quinze ans, aux grands yeux violets et aux traits fins. Son visage pâle affichait un air déterminé, malgré le subtil tressaillement de ses lèvres.

L'autre était plus âgée, peut-être vingt ans. Rousse, le visage constellé de taches de son et des yeux ambrés remplis d'un feu silencieux. Un air noble et une posture fière, malgré le sang qui poissait ses cheveux. Ce portrait ne lui était pas inconnu. Le rubis luisant sur son front ne l'aidait pas à passer inaperçue.

– Voilà donc la fille de Dellaël Shaïlen, dit-il. Roxanne Grace. Quel plaisir de vous revoir à Nervos, Lady Shaïlen !

Celle-ci le fixait comme si elle cherchait à se rappeler où elle avait pu le croiser. Une lueur de compréhension traversa son regard.

– Mes souvenirs sont un peu flous, poursuivit-il, mais je vous revois courir entre les murs de ce château, quand vous étiez petite fille... Le temps vous a admirablement transformée.

– Je pourrais presque en dire autant de vous, Sir Arthur de Frind, duc de Nevez, répondit-elle. Je ne vous avais pas reconnu.

Sa voix était prudente, mais non dénuée d'un soupçon d'ironie. Le duc étouffa un petit rire.

– Très chère, cela fait bien longtemps que plus personne ne m'appelle par ce nom.

– Treize ans, corrigea Roxanne.

ERALDIOR - Volume 1 - L'Héritière d'EmeraudeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant