Chapitre 3

25 6 12
                                    


Je me suis réveillé à cause des secousses itératives.

J'avais les mains attachées entre elles, je ne voyais rien, il faisait sombre, noir.

Mon cœur commençait à s'accélérer,

je respirais de manière irrégulière,

j'avais peur, très peur.

Des perles de sueurs commençaient à se former sur mon front.

Je devais me calmer si je voulais survivre, c'était le seul moyen.

J'avais l'impression de porter une sorte de tissu sur mes yeux, une sorte de bandeau peut-être, la créature m'avait caché la vue.

Et cette action de m'obstruer la vision, c'était déjà quelque chose d'horrible, en me privant de ma vue, je m'imaginais les pires choses possibles.

Où étais-je ?

Dans leur monde ?

J'étais en chemin ?

Je pourrais peut-être encore m'enfuir, avant qu'il ne soit trop tard ?

Mon cœur battait si vite que j'avais l'impression qu'il allait sortir de mon corps.

Je transpirais, j'avais chaud, très chaud.

Je devais me reprendre, je devais me concentrer et respirer calmement.

Si ma vision était restreinte au néant, je devais me concentrer sur mes autres sens.

Nous étions dans une voiture oui ! j'entendais le bruit du moteur en fond.

Il fallait que je me concentre d'autant plus, que je fasse le vide en moi, que je refoule tous mes sentiments d'angoisses et d'insécurités.

J'inspirais et j'expirais doucement, ramenant mon rythme cardiaque à une vitesse raisonnable, tellement concentré que j'avais réussi à me détendre, comme lors d'un exercice de yoga.

C'était une sorte de méditation, lors de mes crises d'angoisse étant enfant, j'avais pris l'habitude de me calmer comme cela, de faire le vide.

Faire le vide,

ne penser à rien,

se focaliser sur son corps et seulement son corps,

le conceptualiser dans les moindres coins et recoins,

prendre conscience de chaque particule présente en nous,

se polariser en particulier sur sa respiration,

suivre son souffle s'écouter,

écouter son corps.

Je n'étais pas seule.

Il y avait une odeur, une odeur fine, très fine, presque imperceptible, mais je la sentais, elle était là, avec moi, proche.

Ce n'était pas un arôme plaisant, c'était même tout le contraire, un arôme empreint de moisissure, d'humidité et de décomposition.

J'entendais quelqu'un pleurer, je reconnaissais ses lamentations, c'étaient des sanglots étouffés, pétris de peurs, d'angoisse et d'incompréhension, c'était le cri impuissant et rugissant du cœur, du manque, d'angoisse constante.

C'était une amie à moi, je distinguais ses pleurs, elle n'avait plus de famille, June.

Mon intuition et ma logique rationnelle avaient été pertinentes, nous n'étions que trois jeunes filles dans cette ville.

Alors, inéluctablement, si June était là avec moi il devait y avoir aussi Sarah.

Il fallait que je vérifie, que j'en sois sûre :

- June ? Sarah ? dis-je doucement comme un murmure.

- Oui ! Rim, c'est toi ? oh mon dieu Rim ! j'ai tellement peur hurla June.

J'avais essayé de deviner où elle était placée par rapport à moi et elle semblait être juste à côté.

Je m'étais décalé de sorte que mes mains puissent la toucher, dans un élan de protection, juste pour la rassurer.

- C'est moi, n'ai pas peur ma belle, je suis là, ne t'inquiète pas, je vais te défendre, Sarah n'est pas avec nous ? Tu l'as vu ?

Sarah était la voisine de June.

Ses pleurs recommençaient de plus belle, il s'était passé quelque chose avec Sarah, il n'y avait pas d'autres raisons pour qu'elle recommence à pleurer si fort.

- Elle, elle n'a pas survécu, elle a voulu fuir, elle se battait, elle en a même blessé un.

Sarah était l'une de ces filles qui n'avait peur de rien ni de personne, je la prenais souvent pour modèle, je voulais lui ressembler, elle m'inspirait de la puissance et de la force.

A l'entente des mots de June mon cœur s'était serré, mais très vite j'avais pensé que c'était une bonne chose pour elle.

Désormais elle avait rejoint nos familles, pour un monde meilleur et elle n'assistera pas impuissante à notre déclin.

Cette odeur m'était insupportable, mais June avait continué de parler en fond, j'avais durement chassé mes pensées et fait abstraction de l'odeur en respirant par la bouche et je l'écoutais à présent avec la plus grande des attentions.

- Alors, bien que nous soyons une ressource essentielle pour eux, ils n'ont pas hésité à la bouffer. Devant-moi Rim, j'ai vu Sarah se faire déchiqueter devant moi, les, les,

Elle souffla un long moment, repris sa respiration et me dit :

- Les démons ont pratiquement notre apparence, mais, ce n'est qu'une façade! quand ils ont commencé à manger Sarah, leur apparence n'avait plus rien d'humain Rim ! Certains avaient diminué de taille, d'autres étaient immense muni de corne, de dents pointues, des poils rouge sang, des difformités qui n'existent que dans nos pires cauchemars, immondes, c'était immonde Rim.

« Une ressource essentielle pour eux »

J'étais prise de dégoût, j'avais omis ça pendant quelques instants, c'est vrai, notre unique but était d'enfanter des démons.

Mais pour cela, on devait s'accoupler, se donner à ces monstres, à ces créatures.

- On va se battre June, je te protégerais, jamais aucun démon ne nous touchera, plutôt CREVER ! Je te jure June, tout ira bien, je ne vais pas te lâcher, nous serons deux, deux contre eux tous, jusqu'à la fin.

Le camion s'était arrêté.

D'un coup sec, brutal à l'image de nos tôliers.

June a recommencé à crier de peur, « non je ne veux pas, non !! »

La seconde d'après je ressentais encore une fois cette odeur si forte à présent qu'elle me fit tourner la tête.

J'avais distingué la forme d'une main, elle touchait mon visage, j'allais la mordre de rage quand elle délaissa mon menton pour m'enlever l'habit sur mes yeux.

Ma vision se brouilla quelques instants avant de faire un focus sur la scène.

Nous étions à l'arrière d'un camion militaire, c'était un de nos camions, les humains, ma race leur avait docilement donné un putain de camion pour qu'ils nous kidnappent.

C'était aussi simple que ça.

L'homme qui m'avait paralysé quelques heures plus tôt (que j'avais décidé d'appeler X), était avec nous dans le camion, il nous avait écoutées depuis le début, mais il n'avait rien dit, il n'avait pas signalé sa présence, il ne nous avait pas interdit de parler.

Cela traduisait à son égard une certaine curiosité,

Voulait-il voir si nous allions nous échapper ?

Était-il désireux d'en savoir plus à notre sujet ?

Il comprenait notre langue ? 

RIMOù les histoires vivent. Découvrez maintenant