Chapitre 30 Conflit d'intérêts

32 6 2
                                    





Après cette longue détention dans ce palais froid qu'était celui d'Argéros, j'étais plus qu'heureuse d'être de retour ici, dans cette maison que j'avais appris à considérer comme mon chez moi. Kanan avait finalement débarqué sur la Lune pour me tirer de là et me ramener sur Mars, plus furieux que jamais par mon comportement irréfléchi qui avait mené à cette mauvaise passe. Il était arrivé à temps pour me tirer des griffes du dieu de la Lune, sur le point de m'envoyer d'en l'au-delà pile à ce moment.

Je fus si soulagée de le revoir mais lui, en revanche, n'avait pas du tout l'air ravi de me retrouver et ne cachait pas la colère qui perdurait encore en lui malgré les quelques jours qui s'étaient écoulés depuis ce sauvetage inespéré. Je ne l'avais jamais vu dans cet état.

D'un côté je le comprenais mais de l'autre j'étais frustré qu'il pense encore que je n'étais qu'une pauvre terrienne sans défense, ce qui était assurément le cas, cependant je détestais l'admettre. Je l'avais vu dans son regard le soir où il m'avait sauvé, quand ses yeux perçants me détaillaient avec précision avant qu'il ne me guérisse.

Sur les conseils, plus ou moins avisés de Taelia, j'avais attendu. Attendu vainement qu'il fasse le premier pas en initiant le dialogue. Kanan agissait comme un enfant contrarié qui refusait d'être raisonné. En toute honnêteté, c'était le côté que je détestais le plus chez lui. Mais aussi agaçant et frustrant qu'il était en ce moment, il fallait que je fasse bouger les choses. Alors que j'étais assise dans ma chambre à ruminer toutes ces pensées, je décidai qu'il était temps de crever l'abcès et me levai, déterminée.

Naturellement, je me dirigeai vers le troisième étage dans l'espoir de le trouver dans sa chambre où au salon. J'arpentai chaque pièce sans aucun signe du dieu de Mars. Je parcourus également les pièces des étages inférieurs avant de finalement atterrir au rez-de-chaussée. Dehors, sur la terrasse, un mouvement attira mon attention.

Je posai mes pieds nus sur le sol réchauffé par la chaleur des rayons du soleil de l'après-midi. En face de moi, dans la piscine vers laquelle j'avançais, je le vis en train de faire des longueurs avec une aisance digne de celle d'un nageur professionnel. Sans annoncer ma présence, je me postai non loin du bord, les bras croisés attendant qu'il ne sorte la tête de l'eau. Ce qu'il ne tarda pas à faire quelques secondes plus tard.

Très lentement, il remonta l'échelle à l'autre bout de l'endroit où je me trouvais puis sortit de la piscine, son corps ruisselant de gouttes. Kanan s'approcha du transat sur lequel était posée une serviette qu'il attrapa pour s'essuyer grossièrement le visage et les cheveux avant de la jeter par-dessus son épaule. Il se dirigea ensuite dans ma direction, le regard rivé droit devant lui. Au moment où il arriva à mon niveau, je lui saisit l'avant-bras pour l'obliger à s'arrêter. Cet idiot comptait vraiment m'ignorer.

-Pourquoi tu ne me regarde pas ? Il faut qu'on parle, lançai-je déjà contrariée.

-Je n'ai rien à dire, répliqua-t-il sèchement.

Il s'extirpa de ma prise pour filer à l'intérieur de la maison mais je le rattrapai bien vite malgré ses grandes enjambées pour me fuir le plus rapidement possible.

-Arrête de faire le gamin !, criai-je derrière lui qui s'apprêtait à monter les escaliers.

Il s'arrêta, la main crispée sur la rampe. Il prit une profonde inspiration puis se retourna enfin pour me faire face. Son regard rouge sang me fixait d'une lueur inconnue, mêlant toutes sortes d'émotions tandis que son expression était neutre, impassible.

-Très bien, parlons puisque c'est ce que tu veux, dit-il d'un ton étonnamment calme.

Me sentant soudainement nerveuse, tout ce que j'étais déterminée à lui dire quitta instantanément mon cerveau et je fus incapable de prononcer un seul mot. Je me sentais comme une idiote plantée devant lui la bouche fermée. Un blanc plutôt gênant s'installa entre nous durant lequel je tentai de faire fonctionner ma mémoire pour me rappeler le discours que je lui avais longuement préparé. Peine perdue. En fait, la vue de son torse nu ne m'aide pas vraiment à rester concentrée.

La Face cachée de la Lune - Under the Moon Où les histoires vivent. Découvrez maintenant