Chapitre 5 - Funeste destin

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                                     Paralyzed - NF

Rebekah

Le vent emporte les dernières feuilles mortes, l'hiver s'installe douloureusement.

La saison de tous les tourments. L'aube est moins claire et la pluie lave la peine autour d'elle, ne laissant plus rien aux torturés de ce monde. Si seulement elle pouvait effacer mes douleurs, m'emporter avec elle et ne plus jamais me laisser m'enfuir.

Je la regarde tomber, comme hypnotisée. Mes pensées se troublent et des images ressurgissent.

— Je t'en prie, Lucas... laisse moi partir.

Je suis attachée à une chaise dans sa cave, du sang coule de mon crâne. L'humidité qui pourrit les murs dégage une odeur insupportable. La mort est partout autour de moi. Face à moi dans ses yeux. En moi.

— Tu ne sortiras jamais d'ici... Je t'avais prévenu, si tu essayais de t'échapper. Alors tu mérites d'être punie. Laisse toi faire et la douleur disparaitra. Je n'ai pas fini de m'amuser avec toi et ton corps qui me fait tant perdre la tête.

Sa voix amère, celle du psychopathe qu'il est, a pour effet de redoubler mes sanglots.

C'est mon enfer personnel. Il est le diable personnifié, le plus dangereux et cruel des monstres. Jamais je n'aurai imaginé que derrière ses sourires, il se cachait une telle folie.

— Ça fait déjà presque 1 an que je suis ici, je voudrais juste contacter ma mère, lui dire que je vais bien. Je ne voulais pas te quitter je te le jure !

— Aucun contact avec l'extérieur. Ta mère veut nous séparer ! Et jamais, jamais je ne laisserais une telle chose arriver !

Ma respiration fut coupée d'un violent coup de pied dans mon estomac. Mais c'est celui contre mon visage qui me fait perdre l'équilibre et m'envoie contre le sol glacé. Les étoiles virevoltent autour de moi et mon crâne me fait un mal de chien. Tout est bientôt terminé. Je le sens, je vais mourir.

— Tant que tu seras vivante, tu ne partiras jamais d'ici ma douce.

Mais je suis déjà morte Lucas. Tu m'as déjà tué et, jamais plus je ne reprendrai vie. Achève moi je t'en supplie. Par pitié, mets un terme à mes souffrances.

Des tremblements secouent tout mon corps, je suis incapable de répondre.

Je n'ai plus aucune force, je gis contre le sol. Quel funeste destin.

— Oh, si tu trouves que je ne te traite pas comme il se doit, peut-être que je devrais te montrer ce qu'il se passe lorsque je perd tout contrôle. »

Sa voix résonne encore en moi, comme la plus sombre des mélodies.

Je t'aurais et pour l'éternité

Les ruines de ton coeur,

Une a une je vais les piétiner

Une ombre en mon coeur,

Ton sang je rêve d'éponger

Ton oraison funèbre un chant de chœur,

Oh comme je t'ai aimé

J'ai hurlé. De toutes mes forces. Parfois je sens encore sa présence près de moi. Je l'imagine roder et m'observer. Je suis encore dans l'œil du cyclone, et rien, pas même son corps rongé par les vers ne le changera. Il a brisé quelque chose en moi, si ce n'est l'intégralité de ce que je suis, de ce que j'étais. Il a dérobé mon âme et ma lumière. Je ne suis plus que noirceur et poussière.

Douleur et mort, sang et perdition.

Peu importe le temps qui passe, les vestiges de ses actes sont toujours ancrés en moi. Indélébile et indissociable de ma peau. Tout est terminé. Avant même de laisser l'espoir grandir en moi, il fut anéantis.Il n'y aura jamais de plus tard. L'amour n'existera que dans les livres et les poèmes.

À jamais proscrit de ma vie, même le plus exaltant des sentiments n'est que l'écho d'une intense torture. Le son de mon téléphone me sort de ma torpeur. Un nouveau message est arrivé.

Numéro inconnu.

Je fronce exagérément les sourcils, curieuse de découvrir ce qu'il contient. Je lâche mon portable sous le choc et le laisse retomber dans un bruit sourd.

Comment est-ce possible ? Mes mains restent en l'air, comme figées, mon corps entier ne peut plus bouger. Une photo de moi, penchée au-dessus d'un corps inanimé. Celui de Lucas.

Caché dans la pénombre, le couteau maculé de sang à mes pieds.

Mes membres tremblent de toutes leur forces, je suis incapable de respirer.

Je n'arrive plus à réfléchir correctement.

J'essaye de bloquer le numéro, impossible.

Un nouveau texto arrive.

« Pour ton péché tu paieras. À bientôt ma douce. »

Ce surnom me glace le sang en une fraction seconde. Je comprends que mon pire cauchemar recommence. Je réalise que rien n'est terminé. Que rien ne le sera jamais, pas tant que mon cœur bâtera. Mes cicatrices se rouvrent une à une.

À travers la fenêtre, il pleut toujours. Dans mon coeur, il pleut toujours. Les gouttes frappent et frappent encore. Dans un cliquetis insupportable. Le chaos le plus vaste que je n'ai jamais vu vit en moi. Ces derniers temps j'ai perdu pieds un nombre incalculable de fois, englouti par les profondeurs. Personne ne viendra me sortir de cette tempête.

Cette année-là, il m'a tué tout en me laissant vivre. Je ne suis plus que l'ombre de moi-même, tentant désespérément d'exister. De survivre.

Je ne suis plus rien.

Et maintenant que mes secrets les plus sombres remontent à la surface, alors que les cadavres de mes placard en sortent, je suffoque de nouveau.

Et je tombe, je tombe si bas que plus personne ne pourra me rattraper.

Oraison Funèbre (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant