Chapitre 36 - Tu détruis tout ce que tu touches

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Hero - David Kushner

Rebekah

Nous sommes à présent devant la pierre tombale de Clayton. Je laisse un peu d'espace à Avery afin qu'elle puisse se recueillir. L'enterrement s'est déroulé sans encombre, il est l'heure de lui dire au revoir. J'embrasse mes deux doigts avant de les poser sur le marbre froid.
—Repose en paix mon frère. murmure-je
Evan m'attend à quelques mètres, j'avale alors la distance qui nous sépare.
—Merci d'être venu.
—Je serai toujours là pour toi, je te l'ai dit.
Je frissonne légèrement au moment où le vent me frappe de plein fouet.
Mon regard se balade autour de nous et j'aperçois des rangées de pissenlits à quelques centimètres, un sourire nostalgique né sur mon visage. Ils sont près de lui. Je les observe, des souvenirs pleins la tête.
—Qu'est-ce qui te fais sourire ? dit-il en levant son sourcil gauche.
—Les pissenlits. Lorsqu'on était enfant, Clayton nous forçait à en cueillir avant de souffler dessus. Il disait que nos vœux se réaliseraient. Nous avons perpétué cette tradition pendant plusieurs années.

Evan s'accroupît au sol et en cueille deux.
—Qu'est-ce que tu fais ?
—Je t'accorde un vœu.
Mon cœur se serre face à cette attention et je ne peux retenir la larme qui coule le long de ma joue. Il me tend le pissenlit et nous soufflons ensemble dessus. Mon vœu ? Être heureuse. Je souhaite également conserver les jolis souvenirs de ceux que j'ai un jour aimés.

J'espère que tu me vois de là haut Clay.
—Merci. murmure-je
Il dépose un baiser sur mon front et étrangement ce geste me touche plus que je ne pourrai jamais l'admettre.
—Je vous ramène ?

  Il désigne du menton ma meilleure amie, assise près de la dernière demeure de son amour.
Je veux bien.
Je m'approche d'Avery et pose délicatement ma main sur son épaule. Elle ne bouge pas, ses yeux cernés ne me regardent même pas. Comment va-t-elle supporter cette perte ? La souffrance que je vois sur son visage me brise le cœur. Elle ne sera plus jamais la même, c'est certain.
—Av' on va y aller. Evan nous ramène.
Elle ne dit pas un mot et s'avance près du parking. Evan ne tarde pas à me rejoindre et glisse sa main dans la mienne. Je crois qu'aucun mot ne sera jamais assez puissant pour exprimer ma gratitude. Il a été présent pour moi du début à la fin, sans jamais sourciller.

  Le trajet se déroule en silence et sous la pluie. Comme si les Dieux eux-mêmes pleuraient la perte de mon ami. C'est une sensation particulière, il a beau m'avoir fait vivre les pires horreurs, sa mort me dévaste. Comment suis-je censée faire mon deuil alors que tant de questions subsistent encore dans mon esprit ? Pourquoi a-t-il fait ça ? Malheureusement, je n'aurai jamais ma réponse et je vais devoir avancer avec. Une fois de plus, la mort me rattrape.

Nous arrivons au pied de notre immeuble, je remercie Evan d'un baiser sur la joue et me dépêche de rejoindre Avery, qui avance déjà vers la porte.
—Attends- moi !
Nous grimpons les escaliers de deux en deux et nous nous réfugions dans notre cocon. Ma meilleure amie disparaît dans sa chambre me laissant très rapidement seule dans notre salon. Comment l'aider ? Est ce que je dois lui laisser un peu d'espace ? Je décide que non, je ne la laisserais pas seule. Face à cette terrible épreuve, je me dois d'être présente pour elle.
Je frappe à sa porte et n'attends pas de réponse avant d'entrer. Elle arrache rageusement les posters de ses murs, détruisant tout, le visage déformé par la colère.

—Arrête ! Qu'est-ce que tu fais ?
Elle ne m'écoute pas et renverse son bureau. J'attrape sa main mais elle la retire si vite que je manque de tomber.
—Dégage Rebekah ! hurle-t-elle
—Tu n'es pas obligée de surmonter sa seule, je suis là moi.
—Et tu peux me dire en quoi ça me réconforte ? Le fait que toi, tu sois vivante ne me ramènera jamais Clayton !
—Ce n'est pas ce que j'ai dit ! Mais je peux t'aider, laisse-moi être là pour toi.
J'approche ma main de la sienne mais elle fait un bond en arrière, son regard est rempli de dégoût. Ne me repousse pas, je t'en prie.
—Tu veux m'aider ? Mais ouvre les yeux, tout ça c'est de ta faute !
Je me stop net, choquée par ses propos.
—Tu n'en penses pas un mot. Ecoute tu es sous le choc et je comprends, moi aussi je l'ai perdu.
Elle rit d'un air mauvais avant de faire claquer sa langue contre son palet.
—Tu l'as perdu ? C'est de ta faute s'il est mort ! Ça aurait dû être toi au bout de cette corde. Regarde un peu autour de toi. Tu détruis tout ce que tu touches.

  Les larmes inondent mes joues mais je ne cherche pas à les arrêter. Je ne cherche plus à étouffer ma souffrance. Je la laisse prendre possession de mon corps. En m'avançant vers celle que je considère comme ma sœur, je ne vois plus que sa colère.
—Tu ferais mieux de me laisser Rebekah.
—Je ne te laisserai jamais.
—Sors de ma vie. Tu ne m'as apporté que des problèmes ! Lucas aurait dû te tuer avant que tu ne lui ôtes la vie à lui aussi.

  En une fraction de seconde, elle vient de briser le peu de cœur qu'il me reste. Je quitte en trombe sa chambre et l'appartement, déambulant sans but dans la rue.
Comment a-t-elle pu me dire de telles horreurs ?
Mon téléphone sonne et je décroche sans même prendre le temps de vérifier l'identité de mon interlocuteur.
—Allô ?
La voix d'Evan me vient aux oreilles, et je me rends compte qu'il est la seule personne à qui j'ai envie de parler.
—Comment as-tu su ?
Ma voix tremble et les larmes roulent sur mes joues.
—Je l'ai senti. Où es-tu ?

Viens vite je t'en supplie, tu es le seule à pouvoir encore me sauver.
—Devant le diner au coin de ma rue.
—Ne bouge pas, j'arrive.
Je n'ai nulle part où aller de toute façon. Il ne me reste plus rien.
Il ne met pas longtemps à me rejoindre. Les phares de sa voiture m'éclairent à travers la faible luminosité de ce temps pluvieux. Je suis trempée jusqu'aux os, mais cette fois l'eau ne lave pas mes péchés, elle les alimente. Evan finit par me rejoindre, ses cheveux mouillés collent à son front. Il court jusqu'à moi et je me jette dans ses bras, éclatant en sanglots. Je me moque bien de montrer mes faiblesses, aujourd'hui c'est tout ce que je suis. Faible. Ses bras se resserrent autour de ma taille, la pluie tombe sur nous. Je n'ai plus rien, mis à part lui. Le phare au milieu de ma tempête. Il a ce pouvoir, celui d'égayer mon quotidien. Il n'y a nulle part ailleurs où je me sens aussi bien.

—Raconte-moi Rebekah.
Mes yeux se plongent dans les siens et sans savoir pourquoi, je plaque ma bouche contre la sienne. Ce contact n'est ni violent ni pressant. Ses lèvres sont aussi douces que ses gestes et à travers ce baiser je lui exprime toute ma peine mais également tout mon amour. Je lui fais comprendre à quel point il m'est vital. Soudain, plus rien n'a d'importance. Il pourrait y avoir une tornade près de nous que nous ne la remarquerions même pas. Les papillons au creux de mon ventre s'envolent par milliers, ne laissant plus aucune place au doute. Ma douleur s'apaise un peu. Je finis par rompre ce contact, collant mon front contre le sien.

—Emmène-moi loin d'ici. murmure-je
Il attrape ma main et me guide jusqu'à sa voiture, jusqu'à un endroit plus lumineux.

* * *

Nous pénétrons dans son appartement, un joli deux pièces en plein centre de Londres. Il m'invite à prendre une douche chaude et me prête un ensemble de survêtement bien trop grand pour moi. J'hume son parfum encore présent dessus avant de le rejoindre dans le salon ou une tasse de thé m'attend.
—Merci...Evan.
—Ce n'est rien, vraiment.
Je m'installe sur son canapé et rabat la capuche sur ma tête, encore chamboulée par les récents événements. Un silence s'installe entre nous avant qu'il ne le brise.
—Tu veux me raconter ?
Je soupire profondément et hoche la tête.
—C'est Avery. Elle a pété les plombs et m'a balancé des horreurs au visage.
—Elle en veut à la terre entière pour le moment. Je suis persuadé que ce n'était pas contre toi.
Je secoue vigoureusement la tête.
—Non, tu ne comprends pas. Elle a raison.
Et c'est sans doute ce qui me fait le plus souffrir.

—Comment ça ?
—Elle dit que la mort rôde autour de moi, que tout est de ma faute.
L'effet boule de neige qui se produit depuis ma rencontre avec Lucas le démontre bien. Tout est de ma faute, Clayton est mort à cause de moi.
—Tu dis n'importe quoi.
Je souffle profondément, m'apprêtant à révéler le terrible secret qui pèse sur mes épaules. Il n'y aura plus de retour en arrière.
—Je détruis tout ce que je touche. Tout ce qui nous arrive est de ma faute. Parce que j'ai tué Lucas.

Oraison Funèbre (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant