Oraison Funèbre (terminé)

Chapitre 42 - Il restera de toi

In the stars - Benson Boon

Rebekah

Nous ne pouvions pas encore voir Avery alors nous sommes retournés à mon appartement. Evan ne me quitte plus et étrangement je n'en ai pas envie. Je ne saurais exprimer ce que je ressens à cet instant. Je ne lui pardonnerais probablement pas ce qu'il m'a fait, mais j'ai besoin de sa présence face à cette épreuve.
   —Rebekah, il faut que tu saches...
   —Evan, ce n'est pas le moment. Nous pourrons en discuter plus tard, s'il te plaît.
Il hoche la tête et me suit jusqu'à la chambre d'Avery. Je me précipite vers sa boîte à bijoux, impatiente de découvrir le contenu de la lettre. Je l'ouvre et la lis attentivement.
   —Je ne peux pas y croire. murmure-je
Evan prend la lettre à son tour dans les mains et sa bouche s'ouvre en un O parfait. Elle vient d'écrire ses aveux. Elle avoue avoir assassiné Alex, mais aussi Lucas. Une nouvelle fois elle ment pour moi. Pour ma mère également.

   —Est-ce que...?
Je n'ose pas terminer sa phrase, par peur que ce ne soit qu'un faux espoir.
   —Dans cette lettre, elle détaille la façon dont Lucas a été assassiné. Elle explique également qu'Ashley a menti pour la protéger car elle la considérait comme sa fille. Elle donne l'emplacement où est le corps de Lucas, Rebekah, ta mère va sortir.
Je fond en sanglots et me jette dans ses bras par réflexe. Elle a peut-être mis le feu à ma vie, mais en quelques phrases elle vient de me rendre un peu d'espoir.
Ma mère sera bientôt à mes côtés.

* * *

Elle est allongée dans ce lit d'hôpital, reliée à des machines. Elle n'est pas morte mais pas pour autant vivante. Elle est là sans l'être. Il ne lui reste plus beaucoup de temps avant que ses organes ne la lâchent. La dose de morphine qu'elle reçoit est hallucinante. Avery n'est plus qu'un corps, attendant que la mort ne la fauche. Je m'approche d'elle, les larmes inondent mes joues, j'attrape sa main et la serre dans la mienne. Je sens mon monde s'écrouler. Il y a encore tellement de choses à se dire, tellement de choses à vivre. Ça ne devait pas se passer comme ça. Cette année, ce devait être la nôtre. Nous aurions dû être ensemble.
   —Bonjour Av. Tu ne pourras pas me répondre, mais je sais que tu m'entends et me comprends parfaitement. J'ai tant de choses à te dire mais j'aimerais commencer par te dire à quel point je t'aime. Tu es l'ange qui m'a été envoyé, Avery. Tu as su redonner de la couleur à mon monde. Tu m'as prouvé qu'après la pluie vient l'arc en ciel. Je ne sais pas ce qu'aurait été ma vie sans toi à mes côtés. Tu es ma sœur et ce, peu importe ce que tu m'as fait subir. Tu le seras pour toujours. Merci pour tout. Merci de m'avoir aimé et merci d'avoir été la plus incroyable des amies.
Mes yeux sont inondés et ma voix tremble à mesure que mon cœur se brise.
   —Je te pardonne. Je te pardonne tout et je suis affreusement désolé de ne pas avoir vu ta souffrance. Je t'aime Avery, pour toujours et à jamais. Je ne t'oublierai jamais. Tu peux y aller, repose-toi. Je veillerais sur maman pour toi, je te le promets. Il est temps de t'envoler mon ange.
Je pose un baiser sur sa joue et le bruit des machines s'agitent. Je regarde sa courbe de vie qui n'est plus qu'une ligne sans fin. Elle est partie.
En sortant de sa chambre, je m'effondre sur le sol près du mur. Je pleure parce que je n'arrive plus à me contenir. On vient de m'arracher la plus belle partie de mon être.

* * *

Je lisse ma robe noir et me regarde une dernière fois dans le miroir. J'ai l'impression d'y voir une inconnue. Avery n'est plus de ce monde depuis maintenant une semaine. Nombreux sont les événements qui se sont passés en ce court laps de temps. Ma mère à été libérée et disculpée de tout. Nous avons pu nous retrouver et nous laisser aller à notre chagrin. Perdre quelqu'un qui nous est cher est toujours difficile, mais je peux assurément dire que c'est l'épreuve la plus difficile que j'ai eu à vivre de ma vie. Chaque réveil est encore plus dur que le précédent.

Je m'accroche à nos souvenirs, aux plus beaux que j'ai. Je ne suis pas prête à lui dire au revoir, parce qu'une fois que je l'aurais fait, je n'aurais pas d'autres choix que d'accepter la triste réalité. Elle ne reviendra plus jamais. Je n'aurais plus jamais l'occasion de rire avec elle, elle ne sera plus jamais présente à mon réveil lorsqu'un de mes cauchemars pointera le bout de son nez.
Evan m'attend dans le salon, je ne lui ai pas encore adressé un mot depuis la découverte de la lettre de ma meilleure amie. Mais je sais qu'il a fait jouer ses contacts pour que ma mère soit libérée le plus rapidement, je lui en suis tellement reconnaissante. Il est certain que nous devons avoir une discussion, mais pas aujourd'hui. Lorsque je passe devant la chambre d'Avery, je ne peux m'empêcher de m'y arrêter. Toutes ses affaires sont encore là, rien n'a bougé. Son parfum flotte encore dans l'air, si bien que l'on pourrait croire que ce n'est jamais arrivé. Je m'assois sur son lit et observe sa chambre. Il y a tant de souvenirs ici. Tant de moments de bonheur, tant de rires ou de larmes. Nous avons tous affrontés ensemble, main dans la main. Ce n'est qu'aujourd'hui que je comprends réellement son geste. Elle n'était plus elle-même, la souffrance l'a transformée. Elle s'est déconnectée de la réalité pour survivre. Je ne lui en veux plus. Je préfère garder en mémoire seulement les bons moments que nous avons vécu. J'occulte la torture qu'elle ma fait subir. Ce n'était pas ma meilleure amie. En tout cas la femme que j'ai toujours connue, celle qui a toujours veillé sur moi.

Elle me manquera pour le reste de ma vie. Je n'imagine pas un monde ou elle n'aura pas sa trace. C'est pour cette raison que je me suis fait tatouer il y à quelques jours somewhere over the rainbow. Parce que c'est exactement ce qu'elle était dans ma vie, quelque part près de l'arc en ciel.

* * *

Je m'apprête à rendre mes dernières paroles, prononcer mon oraison funèbre.
   —Bonjour à tous. Aujourd'hui, je ne vais pas vous expliquer à quel point Avery était incroyable, parce que vous le savez déjà. Je ne vous dirai pas non plus qu'elle était le soleil de ma vie. Même si c'était effectivement le cas. À la place, j'aimerai m'adresser à toi, Av'. parce que je sais que tu es près de moi, comme ça a toujours été le cas. Merci d'avoir consacré ta vie à m'aimer. Je ferai de même pour le reste de la mienne. Je ne sais peut-être pas bien exprimer mes émotions, alors quoi de mieux que la poésie de Simone Veil ?

Il restera de toi...
Il restera de toi
Ce que tu as donné.
Au lieu de le garder dans des coffres rouillés:
Il restera de toi, de ton jardin secret, une fleur oubliée qui ne s'est pas fanée.
Ce que tu as donné en d'autres fleurira.
Celui qui perd sa vie un jour la trouvera.
Il restera de toi ce que tu as offert entre les bras ouverts un matin au soleil.
Il restera de toi ce que tu as perdu,
Que tu as attendu plus loin que les réveils.
Ce que tu as souffert
En d'autres revivra.
Celui qui perd sa vie
Un jour la trouvera.
Il restera de toi une larme tombée,
Un sourire germé sur les yeux de ton cœur.
Il restera de toi ce que tu as semé
Que tu as partagé aux mendiants du bonheur.
Ce que tu as semé
En d'autres germera.
Celui qui perd sa vie
Un jour la trouvera.

   —Et pour terminer, merci Avery, de m'avoir tant apporté. Je t'aimerais et ce pour l'éternité.
Je dépose un pissenlit sur le cercueil encore ouvert. À bientôt ma sœur, dans cette vie ou dans une autre.