Chapitre 3 - Et si c'était trop tard ?

191 22 29
                                    


               Habits of my heart - Jaymes Young

Rebekah

Le café est bondé comme jamais il ne l'a été auparavant, si bien que nous n'avons pas une minute de répit ! Les clients se bousculent pour obtenir un exemplaire du nouveau roman sorti aujourd'hui. C'est ce que j'apprécie le plus dans cet endroit, lorsqu'on y entre on met le monde sur pause, le temps s'écoule d'une manière totalement différente. Ça me rappelle un peu Las Vegas. On n'a aucune idée de l'heure qu'il est, trop intéressé par les centaines de livres et les sucreries sur le comptoir. À mi-chemin entre une librairie et une pâtisserie, c'est l'endroit que j'aime le plus au monde.

Lorsque je suis ici, plus rien n'a d'importance, ni mon passé, ni mon avenir. Il n'y a que le présent. Quelque part, ça me soulage. J'arrive à oublier mon univers macabre et ce quotidien insoutenable. Je suis devenue très douée dans l'art du mensonge et du sourire comme si je n'étais que lumière. Si coutumière que parfois, j'arrive à croire en mes mensonges.

Il m'arrive de croire aux faux sourires qui cachent la tristesse. Alors même que mes nuits sont agitées, et mes cernes noires, je trouve de l'énergie et la force de tenir debout. Tout ça je le dois à Avery. Sans elle, je ne sais pas où je serai, ni même si je serai toujours de ce monde.

Elle est mon ancre, celle qui m'empêche de sombrer dans les abysses. Du plus loin que je puisse me souvenir, elle a toujours été à mes côtés. A l'école, lorsque mes camarades me jetaient des cailloux, que les insultes pleuvaient, elle a eu le courage dont j'ai manqué.

Elle s'est mise devant mon corps, me protégeant des projectiles.

Elle m'a pris la main et ne l'a plus jamais lâchée.

Lorsque ma mère fut incarcérée, nous avons emménagé ensemble. Elle devait quitter le foyer dans lequel elle avait grandi et moi je n'avais plus rien. Plus aucun rêve, plus aucun échappatoire. C'est à ce moment-là que nous avons trouvé ces boulots: elle dans un hôtel au coin de la rue, et moi ce café qui est aujourd'hui mon refuge. Et depuis les opportunités se sont mises à fleurir. Avery s'est révélée être plutôt douée, au point d'envisager évoluer et occuper un poste plus important. Tandis que je ne servais que du café, Madeleine, la propriétaire du Pumpkin, m'a proposé de nouvelles tâches: trouver de nouveaux auteurs et diversifier notre catalogue. Elle m'a également laissé carte blanche pour décorer l'endroit et je l'aide de temps en temps avec la paperasse. Un boulot varié et suffisamment prenant pour occuper mon esprit.

Avery, elle, a fait en sorte que notre appartement soit un cocon dans lequel je peux trouver un semblant de paix. Elle m'a offert une immense bibliothèque pour mon anniversaire, que je remplis un peu plus chaque jour de nouveaux manuscrits.

Et lorsque je devais rendre visite à ma mère, elle m' accompagnait en me tenant la main tout le long. Ma plus grande et seule réussite, je lui dois tout. Ma vie et plus encore.

Je discute avec quelques clientes des nouveautés, d'auteurs et de potentielles séances de dédicaces quand la porte s'ouvre, faisant tinter la cloche du dessus. Mon corps se fige à la vue de cet homme. Que fait-il ici ? Son regard perçant croise le mien, et même sans son uniforme, il dégage un frisson de danger.

Je ne peux m'empêcher de le contempler. De ses yeux verts encadrés par des cheveux noirs de jais, en passant par ses épaules carrés, il dégage un charisme à faire pâlir Ian Somerhalder.

Son regard se fait plus insistant, plus méchant, tandis qu'il s'approche de moi.

Je m'excuse auprès de mes clientes et marche jusqu'à lui, le corps tremblant.

Oraison Funèbre (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant