Chapitre 28

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Quand on fait un métier qu'on aime, avec sa meilleure amie comme collègue, le travail ne semble pas vraiment en être un et la reprise après deux semaines de vacances n'est jamais très compliquée à vivre.

Pourtant aujourd'hui, alors que je fais face au portail du collège, la seule chose que je ressens est une irrémédiable envie de fuir. Je ne suis pas du genre à me défiler en général, je suis de ces personnes que la difficulté motive. Sauf que là, j'ai l'impression que l'établissement s'est transformé en terrain miné pour moi. Mon cœur se serre à la simple pensée d'Hélène continuant à m'ignorer. Mon estomac se retourne en imaginant Arthur, tout bronzé, qui va nous raconter ses histoires de vacances au soleil et de boîte de nuit. Le seul que je suis contente de retrouver est Julien.

Ma vie n'a ni queue ni tête...

Autour de moi, c'est l'effervescence. Ça discute, ça rigole, ça se montre des photos... Les élèves sont contents de se retrouver. Ils feront moins les malins quand ils rentreront en classe. Surtout quand ils verront les notes que je leur ai mises sur leur dernier devoir. Une bonne moitié de la classe a une note très éloignée de la moyenne. Je hais quand je trouve sur une copie l'intégralité d'une page Wikipedia ou d'une analyse de chatGPT, parce que oui moi aussi je sais m'en servir. Je les ai prévenu que je serais intransigeante sur ça. Mais là... Ils ont recopié ce qu'ils ont trouvé sur le net et ils se sont passés le mot. A peine une tournure de phrase de changée. La seule conclusion à laquelle je suis arrivée est qu'ils me prenaient vraiment pour la plus grande des buses. Ce n'est pas tant le fait qu'ils désobéissent qui m'a heurtée... J'ai l'habitude ! Non c'est mon égo qui a été touché en plein cœur. Et ça, ça ne pardonne pas.

Un léger sourire se dessine sur mes lèvres en imaginant la réaction d'Hélène si j'avais pu lui raconter mes dernières péripéties. Elle aurait tourné ça à sa sauce et on aurait fini par rire à gorge déployée. Mon amie me manque tellement. Ma vie n'a plus de couleur depuis qu'elle n'y est plus. Je me retrouve plongée dans une existence en noir et blanc...

- Tu comptes faire le pied de grue devant le portail toute la journée ?

Julien, tout sourire, me lorgne avec son air taquin. Pas de bronzage pour lui, juste de grosses cernes sous les yeux.

- Tu sais que les vacances sont faites pour se reposer de nos semaines de travail et pas l'inverse ?

Il fait semblant de s'offusquer de ma demande et cette façon jouer la comédie me rappelle immédiatement ma meilleure amie. Ils ont tellement plus en commun que ce que je pensais ces deux là. Je me faisais une telle image de gros beauf de mon collègue... Je n'avais jamais cherché à voir plus loin que cette image de mec superficiel qu'il peut renvoyer. J'ai eu tort des années durant, ne le jaugeant pas du tout à sa vraie valeur. Celle d'un homme drôle, gentil et sur qui on peut compter.

- Je ne vois pas du tout pourquoi tu me dis ça, finit-il par me répondre en dégainant ses lunettes de soleil.

Là encore, le sketch d'Hélène après sa nuit endiablée avec son plan Tinder pas si foireux me revient en mémoire.

- T'as raison cache tes cernes, gros malin ! Mais tu seras bien obligé d'enlever tes lunettes en classe.

- Peut-être bien...

- Vous hésitez à sécher les cours ? l'interrompt une voix que mon cœur reconnait immédiatement.

Maîtrisant mon envie de faire volte-face pour regarder Arthur, je me contente de tourner légèrement la tête dans sa direction. Ce que j'aperçois furtivement me surprend tellement que je me retourne complètement pour l'observer plus en détail.

Impensable !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant